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septembre 19, 2017 by Jerome Cid

L’édition 2017 de la Gay Pride de Belgrade terminée, l’heure est au bilan. Pour de nombreux commentateurs, il s’agit d’une réussite. Une opinion que ne partage pas notre correspondant local Jérôme, qui était dans le cortège.

Quatrième d’affilée : l’édition 2017 de la Gay Pride de Belgrade a été un succès… Elle est en tout cas considérée comme telle. Vue de l’extérieur, elle en a en effet tout l’air : la participation a été plus importante (tout au moins selon les organisateurs), aucun accrochage n’a eu lieu, et, cerise sur le gateau, la première ministre a pris part à la parade, une première dans l’histoire.

belgrade gay pride serbia 2017
Départ imminent de la Gay Pride

C’est une très belle histoire, certes. Cependant, vu de l’intérieur, les choses sont très loin d’être aussi simple. Jettons-y un coup d’oeil.

2017, c’ était pour moi la seconde couverture de la Gay Pride de Belgrade, après ma première expérience en 2016. Il est certes difficile de mesurer précisément le nombre exact de participants, mais la cuvée 2017 semblait clairement plus petite que sa précédente. Le volume de participants, au début et à la fin du cortège, était nettement plus clairsemé, la foule moins compacte… Mais bon, accordons malgré tout le bénéfice du doute aux ONG, et assumons qu’il y a eu effectivement 800-900 personnes qui se sont jointes à la manifestation, conformément à leurs affirmations.

belgrade gay pride serbia 2017 2
Les drapeaux arc-en-ciel font face au temple Saint Sava… tout un symbole

Passons maintenant à la question des violences. pour 900 participants, entre 2000 et 5000 policiers ont été déployés dans la ville. Il n’était pas question ici de seulement dévier la circulation pour faire de la place au cortège. La police était littéralement partout dans le centre ville, qui était totalement bloqué, plusieurs heures avant le début de la parade, ce qui a complètement paralysé son activité. Avec deux à cinq policiers par manifestant, on comprend aisément que toute violence était matériellement impossible. Un satisfecit sur cette question est totalement absurde,

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Des policiers sont postés, au cas-où
policemen belgrade gay pride 2017 serbia
Sur cette photo, trois lignes de policiers apparaissent : au fond, des policiers en civil, au milieu, des unités anti-émeutes, au premier plan… les hommes en noir. Aucun insigne, mais toujours en groupe, avec des talkie-walkie… impossible de savoir qui sont-ils
belgrade gay pride security
Rajoutons aussi la sécurité privée, d’une charmante société répondant au nom de KGB. Ici protégeant l’artiste Alex Elektra

Venons-en à présent au plus important : la première ministre, et plus généralement aux nombreux VIP de la manifestation. C’est en fait la question centrale de la Gay Pride. Qui est Ana Brnabic ? En écoutant et lisant ce qui se dit et s’écrit à son propos, il s’agit de la première femme, et de la première personne issue des communautés LGBTQ à accéder à une fonction de chef de gouvernement en Europe du Sud-Est. Et à part ça ? En fait pas grand chose n’est dit sur son action passée, présente et future. Pour résumer, la majeure partie de son image est fondée sur ce qu’elle est, et non sur ce qu’elle fait. Par conséquent, il aurait au contraire été surprenant de ne pas la voir durant la parade, dans la mesure ou son image “de marque” est construite sur son sexe et son orientation sexuelle.

ana brnabic gay pride 2017 belgrade serbia
Ana Brnabic répondant aux journalistes. Juste derrière, bien en évidence, Sinisa Mali, maire de Belgrade, qui ne bougera pas tout au long de la séance de questions-réponses à la première ministre. Des élections municipales ont lieu au printemps…

Elle n’était cependant pas la seule à prendre part à la parade. Quelques autres figures politiques locales, comme Sinisa Mali, le maire de Belgrade, ou le leader du parti Libéral Démocratique (LDP), Cedomir Jovanovic s’étaient joints, ainsi qu’un nombre important de diplomates étrangers. Pour résumer, la manifestation était “the place to be” pour tout représentant des “démocraties libérales” en Serbie.

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Sem Fabrizi, chef de la délégation de l’UE en Serbie, qui agite le drapeau arc en ciel de la Gay Pride. La scène durera moins de 30 secondes

Le lien entre le déploiement policier et les participant apparaît désormais. Il est inconcevable pour l’Etat serbe que la parade échoue, et ce quelque soit le prix à payer, vu que la communauté internationale a les yeux rivés dessus. En 2010, lorsque la Gay Pride a fini dans un bain de sang, la situation critique des communautés LGBTQ est passée sous les feux de la rampe. La parade, et plus généralement les questions gay en Serbie sont rapidement devenus des indicateurs des “progrès” de la société serbe.

Dans un tel contexte, la reprise de la Gay Pride annuelle a été percue comme un immense pas en avant. “Vous voyez, ce gouvernement serbe fait quelque chose pour les gays, nous devons les soutenir sur leur chemin vers une société moderne”, des diplomates, analystes politiques et observateurs LGBTQ extérieurs pourraient dire…

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Le seul drapeau européen que j’ai pu remarquer dans la Gay Pride

On peut par conséquent en déduire que seules quelques centaines de personnes, d’une parade déjà minuscule, participent à la Gay Pride en ayant réellement une raison de manifester, et non seulement d’indiquer un très vague soutien à la cause. À titre de rappel, Belgrade, ce sont 1 300 000 habitants (hors banlieue), et aucune autre ville de Serbie n’organise de parade. Inutile de dire que la contribution de la population serbe à l’évènement est non-existant.

De nombreuses raisons peuvent expliquer la situation. La principale reste cependant le fait qu’une très grande partie de la population est homophobe. Désolé de décevoir certains analystes, mais il s’agit là d’une réalité dans le pays : différents sondages menés entre 2012 et 2015 révèlent qu’entre 40 et 50% de la population considère toujours l’homosexualité comme une maladie. Au niveau des progrès de l’Etat serbe, l’évolution est là aussi très feutrée. Le cadre légal a beau évoluer légèrement, son application n’est qu’anecdotique. La diffamation et la discrimination des personnes issues des communautés LGBTQ n’est, en réalité, quasiment jamais poursuivie. La lecture des rapports de l’Union Européenne à ce sujet ne montre d’ailleurs quasiment aucune évolution chaque année. Je serais d’ailleurs curieux de savoir ce qu’Ana Brnabic pense des couvertures d’Informer, un tabloïd proche du président Serbe Aleksandar Vucic (vous savez, celui qui l’a nommée à son poste actuel), qui va jusqu’à utiliser l’équivalent serbe de “pédé” sur ses couvertures…

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« les pédeés marchent, les Serbes payent »… la charmante couverture du Tabloïd informer en septembre 2015. Aucune condamnation

Face à une telle situation, il est assez douloureux d’entendre certains observateurs extérieurs quand ils parlent de l’amélioration de la situation, comme par exemple le représentant de la Gay Pride d’Amsterdam, venu pour l’occasion. “Il y a besoin de temps pour que les choses évoluent”, “le progrès est énorme”, “notre premier ministre n’a jamais participé à la parade”. Il s’est même permis une remarque “vous avez parfois besoin de faire un petit pas en arrière pour aller plus loin en avant”. Se permettre de donner une telle leçon est clairement choquant dans la situation actuelle. Qu’est-ce qu’un pas en arrière lorsque l’on est en Serbie ? Revenir à la situation de la Gay Pride de 2010 ?

J’ai donc quitté cette parade avec le sentiment qu’il s’agissait d’un bon plan de com’ pour les acteurs publics qui ont investi dedans : le gouvernement serbe, et une partie de la communauté internationale. Cependant, avec quasiment aucun participant, des centaines de millers d’euros dépensés (si ce ne sont des millions), et un cortège matériellement coupé du monde qui l’entoure du fait du dispositif de sécurité, ce plan semble tout de même discutable.

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Que faire, du coup ? La réponse est difficile à trouver. Concernant la parade, cependant, d’autres solutions existent déjà : une “Gay Pride alternative” a ainsi été organisée en juin, par d’autres ONG mécontente de la parade principale. Elle était bien moins médiatisée, mais elle n’a nécessité ni appel à des milliers d’uniformes, ni provoqué de violences notables. Si la division au sein d’un mouvement social n’est jamais une bonne idée, cette seconde parade devrait peut-être amener à une réflexion sur la manière dont les acteurs publics se sont accaparés la cause LGBTQ en Serbie…

Classé sous :Serbie, Actus, Société Balisé avec :2017, ana brnabic, belgrade, beograd prajd, gay pride, homophobie, hoosexuel, lesbienne, LGBT, lgbtq, manifestation, parade, premier ministre, Serbie

août 22, 2017 by Jerome Cid

Le mois dernier, nous vous avons emmenés au festival Exit, l’un des festivals les plus réputés de la région. Nous continuons aujourd’hui notre périple avec un autre grand rassemblement musical (mais pas que), le Belgrade Beer Fest. Il est bien moins connu mais vaut-il la peine de s’y déplacer ? 

Lorsque je me suis rendu au Beer Fest cette année, j’y allais avec l’espoir de côtoyer le fin du fin de la musique serbe et internationale, en communiant avec le meilleur des mélomanes du continent…

Non, soyons sérieux, j’y suis allé pour la bière, tout comme probablement 95% des gens qui s’y sont rendus !

Les organisateurs et le nom du festival sont d’ailleurs assez clairs là dessus : il s’agit d’un festival de la bière (le plus grand des Balkans), non d’un festival de musique.

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22h, la foule se dirige vers le festival

De la bonne musique, mais toujours la même

La programmation reste donc assez limitée : les groupes qui se succèdent ont rarement percé à l’extérieur des Balkans, restent tous à peu près dans le même style (punk/rock alternatif), et ont surtout tendance à revenir d’une année sur l’autre. Des groupes comme Orthodox Celts, Goblini ou SARS participent ainsi chaque année au festival, parfois depuis très longtemps (de la création du festival en 2003 jusqu’à cet été, les Orthodox Celts sont par exemple venus 13 fois). On peut cependant noter la présence ponctuelle de guest stars internationales, comme  Asian Dub Foundation cette année.

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La scène principale, lors de la performance de Goblini, le samedi 19 août

Il faut donc s’attendre à peu de surprises sur scène. La qualité reste cependant au rendez-vous : le Beer Fest est en effet un potentiel tremplin pour de nombreux musiciens locaux, qui vont donc donner tout leur potentiel lors de leur (première) heure de gloire. Les stars du festival, elles, sont capables de produire une musique digne des standards internationaux, tout en étant politiquement engagée, chose rare habituellement sur la scène locale.

Mais revenons-en au plus important : la bière.

À la différence des pays organisant les principaux festivals de la bière, comme l’Allemagne ou la République Tchèque, la Serbie n’est pas une terre traditionnelle du houblon. Le festival laisse ainsi la part belles aux géants du secteurs, avec leurs marques locales (comme Lav, Zaječarsko ou Jelen Pivo), ou internationales. Il n’est cependant pas bien difficile de dénicher de petits stands plus intéressants, que ce soient pour goûter aux bières des petits producteurs locaux, pour le rapport qualité-prix souvent fluctuant (Kabinet, Sindikat, etc.) mais aussi des bières plus “exotiques” et assez rares en terres balkaniques, citons par exemple des productions belges comme la Gulden Draak ou la Chouffe, ou tchèques comme la Primator ou la Bernard.

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Le stand de Zaječarsko, l’une des principales bières serbes, produite dans la ville de Zaječar, dans le sud du pays
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Lorsque l’on nous a parlé de Bernard Pivo, nous nous attendions à autre chose. (Pivo, en Serbe comme en Tchèque, veut dire bière)

Abordons maintenant le nerf de la guerre : le prix. À ce sujet, je n’ai eu que des bonnes surprises. L’entrée au festival coûte… rien du tout ! Il s’agit d’une tradition (qui n’a eu qu’une seule exception en 2014), le festival est totalement libre d’accès. Quant aux consommations, bonne nouvelle là aussi : les prix sont plus que raisonnables : compter entre 120 et 200 dinars (environ 1€– 1€70) pour les bières industrielles, et environ 300 dinars (2€50) pour une bière plus « confidentielle”. En clair, les tarifs sont même légèrement moins chers qu’en ville !

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L’entrée du festival : la foule et dense, la sécurité omniprésente, mais l’attente au final très courte

Et l’ambiance, dans tout ça ? Comme on peut s’en douter, le combo bière+rock alternatif n’amène pas l’audience la plus chic. Le public reste malgré éclectique, le principal attrait n’étant pas au niveau de la musique mais de la boisson. La fourchette d’âge reste d’ailleurs impressionnante, des ados aux sexagénaires (j’ai même aperçu une poussette, mais je doute qu’elle soit venue toute seule !)

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Alors, cela vaut-il le coup de participer au Belgrade Beer Fest ? La musique est bonne, sans plus, et la bière est buvable, sans être extraordinaire. Faire le déplacement depuis l’Europe de l’Ouest pour ce festival risque donc d’être décevant. Le festival dure quatre jours, mais vous risquez de tourner en rond au bout de deux jours (à moins de finir bourré dans un fossé à la fin de la première soirée).

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Par contre, si vous passez par les Balkans à ce moment-là, vous auriez tort de ne pas rajouter cette étape dans votre voyage. Il s’agit là d’une expérience qui mérite de s’arrêter. Qui sait, vous prendrez peut-être goût au rock alternatif serbe ! (Si vous prenez goût à la Jelen Pivo, par contre, c’est que vous avez poussé le bouchon un peu trop loin).

La prochaine édition, normalement, aura lieu aux alentours du 15-20 août 2018. D’ici là, vous avez le temps de planifier votre voyage dans la région 😉

Classé sous :Serbie, Lifestyle, Musique, Société Balisé avec :2017, 2018, avis, beer, belgrade, belgrade beer fest, bière, decouvrir, fest, Festival, opinion, Serbie, visite, voyage

août 18, 2017 by Jerome Cid

Deux ans après le début de la crise des réfugiés, qu’en est-il ? Pour sa deuxième édition, le festival Routes, à Belgrade, va tenter d’apporter une réponse, tout en remettant sous les projecteurs une crise que beaucoup croient terminée.

festival routes blegrade 2017 refugies

Organisé cette année conjointement par Refugee Aid Serbia (une ONG fournissant aide et assistance aux réfugiés en Serbie) et le projet Odyssey (une ONG axant son travail sur la couverture médiatique de la crise), le festival aura lieu à Belgrade le dimanche 20 août, à partir de 12h, à Dorćol Platz.

La journée sera l’occasion de présenter les questions liées à la crise des réfugiés sous différents aspects, se succèderont ainsi la projection d’un documentaire (avec la participation de Vice Magazine), des expositions photos, des débats, mais aussi des démonstrations de chants et dances traditionnels des Balkans et du Moyen Orient. Notre correspondant pour la Serbie, Jérôme Cid, exposera d’ailleurs ses clichés et fera partie du panel de discussion sur la couverture médiatique de la crise des réfugiés.

Ce sera pour nous aussi l’occasion de revenir sur cette crise, ne manquez donc pas nos prochains articles.

Pour plus d’infos, rendez-vous sur la page du festival

Classé sous :Serbie, Actus, Société Balisé avec :2017, balkans, belgrade, Crise, crise des refugies, Exposition, Festival, Réfugiés, route, route des balkans

janvier 17, 2017 by Jerome Cid

Quelques jours après la tentative de Belgrade de faire rouler au Kosovo un train reliant Belgrade à Mitrovica arborant le slogan « le Kosovo est la Serbie », revenons aujourd’hui sur cette affaire, sur son origine, et sur ce qui pourrait désormais arriver. Une occasion de revenir sur la situation au nord du Kosovo.

Rappel des évènements

Annoncé en grande pompe par le gouvernement serbe, le projet prévoyait, pour une période d’essai, de faire circuler un train (made in Russia) entre Belgrade et Mitrovica. Présenté comme étant une première depuis la guerre de 1999, ce train se devait être une réponse à un besoin des populations locales, et devait, pour l’évènement, arborer une livrée spéciale indiquant en gros “le Kosovo est la Serbie”. Le train n’a finalement pas pu entrer sur le territoire du Kosovo, ayant été bloqué par les autorités kosovares à la frontière.

Depuis, la situation reste relativement confuse, Pristina criant à la provocation, alors que Belgrade affirme que les forces kosovares auraient miné la voie ferrée, ce que le gouvernement du Kosovo réfute absolument. En parallèle, Belgrade accuse désormais Pristina de mettre en danger les populations serbes du Kosovo.

Le contexte : une situation tendue au nord du Kosovo

Pour comprendre un peu plus précisément la situation, revenons sur la situation du nord du Kosovo, et des chemins de fer sur le pays.

carte muette du nord du kosovo
Carte des municipalités du nord du Kosovo Source: NordNordWest/Wikimedia/Creative Commons

Alors que la majorité de la population au Kosovo est albanaise, le nord du Kosovo (principalement toute la zone se situant au nord de la rivière Ibar) est à très forte majorité serbe. Cette situation, dès la fin de la guerre, a rendu très compliquée, voire impossible, la mise en place d’institutions contrôlées par l’administration kosovare, d’abord sous contrôle de l’ONU, puis progressivement de plus en plus autonome, jusqu’à la déclaration d’indépendance du 17 février 2008.

Malgré le retrait des troupes serbes en 1999, les administrations serbes, sous contrôle de Belgrade ont continué à opérer dans cette partie nord du Kosovo. Des services publics comme la poste ou les télécoms, jusqu’à certaines administrations comme l’état-civil, des dizaines de « structures parallèles » se sont maintenues.

La problématique ligne du nord

Venons-en aux chemins de fer : le conflit ayant interrompu le trafic ferroviaire, celui-ci fût remis en place par les troupes de l’OTAN dès la fin de 1999, avant tout pour transporter des troupes et du matériel vers le Kosovo. La gestion fut très rapidement transférée aux autorités civiles, en l’occurrence la Mission Intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui remirent en place une compagnie pour exploiter du trafic civil, à la fois passager et militaire, sur le territoire. Dans le cadre du retrait progressif de la communauté internationale, la compagnie fut finalement transférée aux autorités locales naissantes (en l’occurrence le gouvernement du Kosovo) en 2005.

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Troupes françaises quittant Mitrovica en train, février 2010.
Photo : J. Cid

Parmi les services proposés par les chemins de fer du Kosovo, l’un d’entre eux acquit une mission de maintien de la paix. La principale ligne du territoire, en effet, le traverse du nord au sud, de la frontière avec la Macédoine jusqu’à la frontière avec la Serbie, en passant par bon nombre de villages à majorité serbe. Il fut donc mis en place dès 2002 un système de “trains de la liberté de mouvement”, parcourant cette ligne du sud au nord, permettant ainsi aux serbes de se déplacer plus facilement à travers le Kosovo, et même au-delà, étant donné qu’une correspondance était organisée à la frontière serbe avec un train se rendant jusqu’à Belgrade.

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La gare de Mitrovica-Sud (en zone à majorité albanaise) en février 2010 Photo : J. Cid

La situation se détériora cependant en 2008. Suite à la déclaration d’indépendance du Kosovo, des manifestants serbes se rendirent au nord de Mitrovica et bloquèrent le trafic en provenance du sud de l’Ibar. Les chemins de fer du Kosovo furent contraints de suspendre le trafic. Dans les jours qui suivirent, les chemins de fer serbes mirent en place leur propre desserte au nord du Kosovo, de la frontière serbe jusqu’à la banlieue de Mitrovica (la gare de Zvečan, située à 1500m du centre de Mitrovica). Les nouveaux arrivants proposèrent d’abord une ligne directe vers Belgrade, qui fût finalement discrètement raccourcie en décembre 2009 à Kraljevo, probablement en raison du manque de fréquentation (bien qu’aucune raison officielle n’ait été donnée). La situation fut depuis lors stable, le seul évènement notable étant la construction d’une nouvelle gare pour Mitrovica dans le nord de la ville (contrôlé par les serbes), les quelques tentatives de négociations entre Pristina et Belgrade n’ayant pas abouti à ce sujet… jusqu’au train de janvier 2017.

Derrière l’incident, la symbolique

La symbolique derrière ce train est, bien entendu, assez importante, ce qui explique ce déchaînement de passion.

L’idée de faire rentrer au Kosovo un train avec une inscription comme “le Kosovo est la Serbie” peut-être aisément perçue comme une provocation pour Pristina. La manière dont Belgrade a annoncé la nouvelle puis géré ses retombées est là-aussi très symbolique.

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Le train en provenance de Belgrade en gare de Zvecan en septembre 2009
Photo : J. Cid

Comme nous avons pu le voir, cette reprise de la desserte présentée comme une première depuis la guerre, relayée par la presse serbe, et par des médias étrangers (le Figaro par exemple, ou encore le Monde), n’en est pas une : le trafic dans le nord du Kosovo a été très vite rétabli après la guerre, et la liaison directe avec Belgrade a existé pendant deux ans. Relancer cette ligne, en soi, n’avait donc rien d’un scoop. Plus encore, les accusations faites par le gouvernement serbe depuis ne sont pas non plus anodines : dénoncer un minage des voies par les autorités de Priština/Prishtina fait référence directement à l’attentat de Podujevo en 2001, lorsque des nationalistes albanais ont fait exploser un bus serbe à l’aide d’une mine télécommandée en plein Kosovo.

Aucune preuve ne vient étayer l’accusation de Belgrade quant aux mines, mais elle permet à la Serbie de déterrer de vieux et douloureux souvenirs. Plus encore, la rhétorique adoptée par Belgrade depuis cet évènement n’est clairement pas en faveur d’une détente, le président Serbe, Tomislav Nikolić, ayant tenu des propos ouvertement belliqueux : “Si des serbes sont tués, nous n’enverrons pas seulement l’armée, nous y irons tous, moi le premier, ce ne serait pas ma première fois” (voir la déclaration, en serbe).

Ces propos sont toutefois à prendre avec du recul, tant la faisabilité d’une intervention serbe au Kosovo serait rendue compliquée par la présence de troupes de l’OTAN sur le territoire. Ils viennent toutefois se joindre à un regain de tensions entre Prishtina et Belgrade depuis deux ans, les négociations entre les deux gouvernements étant désormais au point mort.

train belgrade zvecan mitrovica serbia kosovo
Le train Belgrade Mitrovica en septembre 2009, dans le nord du Kosovo
Photo : J. Cid

Et maintenant, quelle suite ?

Et la réaction internationale, dans tout ça ? L’idée de Belgrade de faire circuler un tel message sur un train dans le nord du Kosovo, la zone la plus sensible d’Europe (hors espace post-soviétique) aurait dû provoquer (au minimum) quelques commentaires de la communauté internationale, très largement présente dans la region, notamment sur ses potentielles conséquences diplomatiques. Il n’en a rien été.

Belgrade, tout comme Pristina sont, au final, en train de gérer eux-mêmes la crise. Cela pourrait être un bon signe, celui d’une passation des pouvoirs après près de 20 ans de “tutelle” internationale. Force est de constater que cette transition est très loin de se faire calmement. Reste à voir maintenant quelle sera la suite des événements : la pression peut-elle désormais redescendre, ou bien l’escalade est-elle inéluctable ?

Classé sous :Kosovo, Actus, Société Balisé avec :belgrade, chemin de fer, Kosovo, mitrovica, nord, nord du kosovo, Serbie, tensions, train belgrade mitrovica

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