Lire l’été Europe Centrale #2 – Continuons nos lectures de l’été, en Europe Centrale, un de mes territoires de prédilection en terme d’auteurs. Avec une bière fraîche -mes étés dans ces pays là ont toujours été marqués de chaleurs insoutenables- ou une bonne pâtisserie en terrasse.
Hongrie
Je vous renvoie ici évidemment sur Kornel Esti, un de mes livres préférés. Mais j’aimerais également en profiter pour vous faire découvrir Mémoires de Hongrie, de Sandor Marai. J’ai eu la chance de le lire alors même que je passais des vacances à Budapest et ces mémoires retraçant l’histoire de la ville, j’ai pu me promener dans les lieux cités et les appréhender différemment.
Sous le versant de l’Histoire puisque Sandor Marai parle dans ce récit de l’arrivée des Allemands puis des Soviets dans la ville de Budapest, durant la Seconde Guerre Mondiale. Mais les lieux sont également teintés de ses anecdotes personnelles, de ces déambulations avant le conflit, pendant celui-ci et les quelques années où il a vécu sous l’URSS avant de fuir vers les Etats Unis.
Je ne suis généralement pas sensible aux autobiographies, leur préférant le récit littéraire. Mais Mémoires de Hongrie est une de mes plus grandes claques. Grand auteur hongrois dans la première moitié du XXème siècle, les autres livres de Sandor Marai peuvent souffrir d’un style suranné. Celui-ci est terriblement contemporain. La beauté de ces mémoires repose sur le fait que Marai nous offre une intimité mise à nue dans son rapport à Budapest, aux Russes qui vivent chez lui, aux autres écrivains qui disparaissent lentement autour de lui.
Il ne pose aucun jugement sur la Guerre et sur les Soviétiques. Il porte une réflexion profonde sur les systèmes politiques, tant la monarchie que le communisme. Systèmes, qui si ils peuvent apporter une forme de libération ne peuvent pas apporter la liberté, n’étant par définition pas des systèmes libres. Il parsème ses mémoires de réflexions philosophiques, historiques, littéraires pour éclairer son propos. Et dans ces Mémoires une réflexion plus générale sur l’Europe s’ouvre alors. Un livre également hommage à la langue hongroise, seule patrie de l’écrivain hongrois, langue menacée et fragile, qui m’a amené à fouiller internet pour ne plus commander en anglais.
Pologne
Marzi, de Marzena Sowa, est un roman graphique en plusieurs tomes qui reprend la vie de l’auteure dans la Pologne des années 80. Illustré par Sylvain Savoia, le dessin naïf permet de retranscrire le point de vue de l’enfant dont les yeux si grands absorbent tout ce qui l’entoure. Une plongée dans la Pologne sur une période allant de l’URSS à la chute du bloc, mise en parallèle avec l’entrée dans l’âge adulte et la conscience que l’on prend des entraves qui nous encerclent.
République Tchèque
Après un article sur le soldat Chveik, c’est sans hésiter une seconde que je mets ici Milan Kundera. Pour des raisons diverses et variées, la première étant qu’il traduit lui-même ses romans en français et que par conséquent vous aurez accès de manière pure à son texte. Il faut préciser à ceux qui ne sont pas familiers de Kundera qu’il a un style très particulier, dont il est le précurseur, mêlant ses réflexions d’auteur à ses textes.
Auteur tchèque s’étant exilé en France dans les années 70, il a longtemps été censuré dans son pays natal et entretient un rapport passionné avec la langue française, insistant pour que ses romans soient considérés comme de la littérature française. Il me blâmerait ainsi certainement de le citer ici mais comme je doute fortement qu’il me lise un jour, je continue ma chronique. L’insoutenable légèreté de l’être est de loin son plus grand roman et vous pourrez y suivre le Printemps de Prague.
J’ai une petite préférence pour La valse aux adieux, roman très court et drôlissime. Se déroulant dans des thermes, divers personnages s’entrechoquent autour de scandales financiers, politiques ou encore sexuels. Alors que le fond même du roman est sombre, le style est d’une légèreté incroyable et les travers de ses comparses tchèques sont décrits sans concessions.
Slovaquie
Pavol Országh Hviezdoslav est un des plus grands auteurs slovaques. Pourtant je n’ai pas envie de vous parler de lui mais de sa femme, Ilona Novakova. Dans Ilona, ma vie avec le poète, Jana Juranova dresse un récit étrange. Il ne se passe strictement rien dans ce roman (et je me demande si vous le dire relève du spoil…). La vie d’Ilona a été dévolu à son époux et au soutien de celui-ci afin de lui permettre de s’épanouir dans sa carrière littéraire et de se dévouer à la cause slovaque.
Jana Juranova sait pourtant nous faire tourner les pages et dénoncer le carcan du mariage au travers d’une histoire d’amour trop sereine pour être vraiment. Une plume subtilement féministe, qui sait mettre mal à l’aise avec empathie et douceur. Une auteure à suivre de près, qui était notamment présente lors du dernier salon du Livre de Paris.
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