Suite à notre dernier article sur la politique au Kosovo, beaucoup de choses ont changé, l’occasion pour nous de revenir sur le sujet suite aux élections municipales du dimanche 19 novembre.
La dernière fois que nous nous sommes intéressés à la politique kosovare, le pays cherchait à former un gouvernement sans majorité parlementaire. Depuis, beaucoup de choses ont changé : le PDK, parti démocratique du Kosovo, du président Hashim Thaçi, a finalement trouvé un accord avec l’AAK, l’alliance pour le futur du Kosovo, de Ramush Haradinaj. Ce dernier est ainsi devenu premier ministre du Kosovo, poste qu’il avait occupé il y a 12 ans.
Le scrutin municipal de dimanche dernier allait donc faire office de test, suite à une année 2017 marquée par l’incertitude politique dans le pays. Du côté des municipalités à majorité serbe, sans surprise, le parti majoritaire, soutenu par Belgrade, Srpska Lista, l’emporte. Du côté des municipalités à majorité albanaise, c’est à dire la plupart du pays, les résultats, au final, ne désignent pas vraiment de vainqueurs, mais surtout un perdant, le PDK.
En effet, d’après les premiers résultats, sur les 19 municipalités du Kosovo, l’AAK en remporte 7, alors qu’aux dernières élections locales, en 2013, elle n’en avait gagné que 3. Victoire de la majorité, pourrait-on en conclure ? Pas si sûr ! Le second parti de la coalition parlementaire, le PDK, perd la plupart de ses fiefs, se contentant de 5 municipalités (contre 10 en 2013), y compris des bastions réputés imprenables comme Mitrovica Sud (au profit de l’AAK) ou Prizren, la seconde ville du pays (au profit de Vetevendosje)
Face à ce jeu de vases communicants, les oppositions parlementaires, à savoir la Ligue Démocratique du Kosovo (LDK, centre-droit), et Vetëvendosje (VV, gauche nationaliste), gagnent du terrain tout en se combattant. La LDK, ainsi, consolide son assise locale, avec 8 municipalités (contre 4 en 2013). Le plus inattendu provient cependant de Vetevendosje. Le parti avait en effet déjà crée la surprise en 2013, en emportant, contre toute attente, les élections à Prishtina, la capitale du pays. Cette année, il transforme l’essai, avec deux nouvelles municipalités, Prizren et Kamenica, tout en conservant Prishtina.
Le jeu des chaises musicales continue, Vetevendosje va-t-il y participer ?
Que retenir de ces élections ? Au final, peu de changements : malgré l’existence de beaucoup de gagnants, et d’un perdant, la tendance est toujours incertaine : la majorité et l’opposition sont toujours à égalité. Le “test” de l’opinion n’a donc pas marché, si ce n’est pour un parti, Vetevendosje.
Depuis les années 90, la politique Kosovare s’est jouée entre deux principaux blocs, qui se sont petit à petit scindés en différents partis. Pour résumer, la LDK, héritière de l’action non violente contre Belgrade d’Ibrahim Rugova, s’est opposée aux vétérans de l’UCK, l’armée de libération du Kosovo, et de ses principaux leaders, Hashim Thaci et Ramush Haradinaj, et de leurs partis politiques respectifs.
Vetevendosje est arrivé dans ce jeu en ne s’identifiant ni à l’un, ni à l’autre de ces deux pôles. D’abord anecdotiques, ses résultats aux différents scrutins sont allés de manière croissante. La conquête par VV de Prishtina en 2013 avait déjà prouvé ses capacités à rentrer dans le jeu politique au plus haut niveau. Sa nouvelle victoire dans la capitale, et les villes symboliques que le mouvement a remporté cette année prouvent qu’il occupe désormais une place prépondérante dans la vie politique Kosovare, à taille égale avec les trois partis historiques.
Depuis plus de quinze ans, la politique du Kosovo a consisté en une succession de coalitions entre ces trois partis, auxquels se rattachaient nombre de partis satellites, succession qui donnait l’impression d’un jeu de chaises musicales. Vetevendosje rentre désormais dans le jeu, en refusant cependant toute alliance avec les trois autres joueurs. Tant que le parti était largement minoritaire au Kosovo, cette position était facilement tenable, et permettait à VV de jouer le rôle de trublion face aux piliers que sont, ou devrions-nous dire qu’étaient le PDK, l’AAK et la LDK. Le système politico-constitutionnel kosovar ayant été conçu pour favoriser les alliances, il reste cependant à savoir si la stratégie de Vetevendosje pourra tenir alors que son accession au pouvoir est une idée de plus en plus envisageable.
(Mise à jour du 26 novembre : suite au recompte des voix à Prishtina incluant les votes par correspondance, la commission électorale a confirmé la victoire de Vetevendosje dans la capitale, à 367 voix d’écart)
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