Okraïna est le tout premier film parlant du réalisateur Boris Barnet qui a déjà réalisé le fameux La jeune fille au carton à chapeau et qui sera aussi par la suite l’auteur de ce qui passe pour son chef-d’oeuvre Au bord de la mer bleue.
Okraïna se situe dans une ville de province russe en 1914. Une grève a éclaté rassemblant des ouvriers de toutes les usines environnantes. Déjà dans la rue des batailles éclatent entre la troupe et les grévistes. C’est alors que survient l’annonce de La première guerre mondiale.
Le leader de la grève pactisant avec les bourgeois au nom du patriotisme appelle les travailleurs à oublier les conflits de classe pour défendre la Russie , la patrie plutôt que la révolution donc. Nikolaj Kadin ouvrier d’une fabrique de bottes est appelé à rejoindre la troupe. Son frère cadet Senka, jeune premier à la gouaille adolescente le rejoint comme volontaire. Il découvre l’absurdité de la guerre, la sottise criminelle de ses chefs et les thèses bolcheviques.
On a dit que Okraïna est un film parlant, symphonique conviendrait plus. C’est que, pour Barnet les sons parlent autant et parfois plus que les personnages. Chacun des bruitages est choisi avec soin par Obolenski son opérateur du son pour s’ajuster à sa partition de cinéaste. Dès la scène du début dans l’atelier du bottier on voit les personnages écouter gravement les sirènes des usines pour deviner laquelle vient de se mettre en grève et l’atelier ne rejoint les grévistes qu’après que Senka ait imité le son d’une sirène.
Barnet est aussi capable de mettre du drôle dans le grave et se moquer lui-même de ce goût du bruitage en montrant à la fin de l’affrontement une femme terrorisée par le bruit d’un jouet qu’elle prend pour celui de la troupe. Mais surtout ce personnage de locataire allemand dans le film donne à son propos une saisissante teinte pacifiste.
Okraïna en reprenant au début du film cette idée d’une grève emprunte bien sûr au film de Eisenstein. Eisenstein, ce cinéaste qui tutoie les concepts, et, en faisant dévaler un escalier à une poussette, invente toute une façon de mettre en scène. C’est son génie, c’est admirable.
Boris Barnet est plus un cinéaste à tutoyer seulement ses personnages et on sent bien que celui qui fut le zébulon bondissant de Les extraordinaires aventures de Mr West au pays des Bolcheviks ne leur fait emprunter aucun sentier qu’il n’ait déjà emprunté. C’est son talent, c’est attachant
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