Que retenir du ArteKino Festival 2020 ? Cette 5ème édition du Arte Kino Festival célèbre l’exceptionnelle diversité du jeune cinéma européen. La sélection de cette année explore les métamorphoses du monde contemporain, les sentiments multiples d’appartenance à une communauté, les crises intimes. Du documentaire à la fiction, parfois faisant voler en éclat ces barrières de genre, ces films nous offrent des clés de lecture du monde.
Les prix du ArteKino Festival
MOTHERLAND, le long métrage nostalgique de Tomas Vengris est lauréat du prix du public ArteKino cette année !
Le prix du jury jeunesse est décerné à SON OF SOFIA, l’oeuvre onirique d’Elisa Psykou
Une sélection placée sous le signe de la parité !
Tout d’abord il faut souligner un élément essentiel : c’est avec bonheur que l’on a vu une place de choix offerte aux réalisatrices au cours de cette édition qui a l’intelligence de jouer sur la parité. Le duo de documentaristes bulgares Mina Mileva et Vesela Kazakova (Cat in the wall) la réalisatrice grecque Elina Psykou (Son of Sofia), l’étonnante et attachante Ivana Mladenović (Ivana the terrible) tout droit venue de Serbie.
Si nous n’avons pas consacré d’articles aux quatre films restants de la sélection Arte Kino (ils valent le détour !) il faut tout de même évoquer les deux autres réalisatrices de la sélection qui proposent un cinéma explorant les questions féministes, questionnant la masculinité et la remettent en question. La réalisatrice suisse Klaudia Reynicke met en scène le rejet de toute forme de patriarcat, en jouant avec les stéréotypes masculins et en démasquant leurs fragilités dans Love Me Tender où une jeune femme souffrant d’agoraphobie tente de sortir de chez elle et de se confronter au monde extérieur.

Enfin, il y la cinéaste italienne, Chiara Campara qui, dans Lesson of Love, se penche sur la vie d’un jeune homme, Yuri, qui n’a jamais connu l’amour. Yuri est submergé par la possibilité de l’amour et il se rend compte avec violence qu’il doit faire des choix. Personne ne viendra le chercher ni ne le sauvera de sa frustration ou de sa solitude. Il doit agir par lui-même et selon ses propres désirs. Dans une sorte d’initiation au doute, à la prise de conscience d’avoir à décider, le parcours physique et émotionnel qu’il entreprend décrit la nécessité de suivre la pulsion de notre désir pour comprendre qui nous sommes vraiment.
Une plongée intimiste
La programmation d’Arte Kino Festival offre parfois une plongée parfois dans l’intimité de personnages ou de cinéastes qui se questionnent. Avec Full Contact il aura été possible de suivre le chemin de croix d’un pilote de drone en Afghanistan traumatisé par ses actions passées. Ce propos permet de placer l’être humain face à sa propre monstruosité, vivant avec les conséquences de ses actes. Les personnages ne sont jamais manichéens, ils font parfois les mauvais choix, David Verbeek ne portant jamais aucun jugement sur leurs actions.
Dans une tonalité plus légère mais tout aussi réussie il y a eu Ivana the Terrible de la jeune serbe Ivana Mladenović. Quête personnelle et crise existentielle, épanouissement d’une jeune femme entre la Serbie et la Roumanie, l’amitié des pays étant par ailleurs joliment fêtée au cours du film. Par son dynamisme, ses personnes hauts en couleurs et l’originalité de sa démarche Ivana the Terrible a très bien su se démarquer de la sélection.
Des films qui explorent les identités européennes et les doubles cultures
Cette édition explore particulièrement les questions d’appartenance à une double culture du fait d’un héritage historique ou familial. Elina Psykou dans Son of Sofia nous plonge dans l’effervescence nationaliste d’une Grèce en plein Jeux Olympiques à travers le regard d’un jeune garçon russe. Ce double regard rentre en résonnance avec le projet même d’Arte Kino qui cherche à promouvoir les cinémas d’Europe et à les faire communiquer. Par sa maîtrise esthétique et son génie de mise en scène, Son of Sofia est un véritable petit coup de cœur !

Dans un registre similaire, Tomas Vengris nous a offert avec Motherland un très beau portrait familial et un regard sensible sur les conséquences de la chute de l’Union Soviétique sur la Lituanie. A l’aube d’une nouvelle ère, la jeunesse lituanienne entend bien ne plus se préoccuper de l’ancien monde.
Décortiquer les faits de société par le cinéma
La sélection Arte Kino propose un regard contemporain de notre monde, nous permettant de nous confronter à des sujets essentiels comme la crise migratoire qui sévit en Grande -Bretagne, chose parfaitement illustrée par l’excellent docu-fiction Cat in the wall. Le film bulgare dénonce une politique britannique restrictive et xénophobe.
Negative Numbers quant à lui, frôle la réalité documentaire grâce à sa mise en scène dépouillée, cette caméra portée qui se débarrasse de la moindre fioriture : le géorgien Uta Beria s’impose comme un jeune réalisateur sûr de lui.
S’éloignant pour de bon de la fiction, Karim Aïnouz avec Central Airport THF, propose un documentaire sur l’aéroport désaffecté de Tempelhof à Berlin. Jadis pièce maîtresse du programme hitlérien de réarmement, il sert aujourd’hui d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile. En s’adaptant à une vie quotidienne transitoire d’entretiens sociaux, de cours d’allemand et d’examens médicaux, ils essaient de faire face au mal du pays et à l’angoisse de gagner ou non la résidence ou d’être expulsés. Le personnage principal, le jeune Ibrahim, raconte son histoire au fil des mois.

Comme pour symboliser l’éclectisme sur lequel joue Arte Kino, il y a, sur une note plus légère, le documentaire Many Lives de François Valenza sur Sébastien Tellier. Le documentaire tente de capturer les multiples facettes de l’artiste. Au milieu de nombreuses archives et d’images inédites, Xavier Veilhan, Jean-Michel Jarre, Phoenix, Air… tous dévoilent une facette du mystère Tellier.
En attendant de retourner au cinéma…
A l’heure où se rendre au cinéma est compliqué, soutenons au moins le cinéma à travers les réseaux numériques et les festivals en ligne ! Un jeune cinéma d’auteur accessible pour toutes et tous, et une 5ème édition du festival riche qui aura été l’occasion de rencontres artistiques exceptionnelles. Vivement l’an prochain !
En attendant, vous pourrez toujours retrouver un film gratuitement tous les mois sur la plateforme Arte Kino.
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