Motherland c’est le retour d’une mère et de son fils dans leur pays, la Lituanie, après leur exil aux États-Unis. Le nouvel Est sauvage bouleverse leurs espérances, lorsqu’ils trouvent le domaine familial en ruines occupé par des russes. Nous sommes en 1992, une année seulement après la chute de l’URSS : le retour sur les terres natales est brutal.
D’Ouest en Est
Le film s’ouvre par la narration d’un conte de fée où une petite fille à la recherche de sa maison dans les bois. Ce ton d’apparence léger commence à dévoiler la dynamique entre les deux personnages principaux : Kovas, 12 ans (intérprété par Matas Metlevski particulièrement bon dans le rôle d’un jeune garçon distant et silencieux) voyage pour la première fois des États-Unis en Lituanie. Sa mère Viktorija (Severija Janušauskaitė) a fui la Lituanie sous le régime soviétique il y a 20 ans : c’est son premier voyage sur sa terre familiale.
Kovas, lui, ne connaît quasiment rien de la Lituanie, bien qu’il maîtrise la langue. Discret, il observe discrètement les jeux des lituaniens de son âge. En bon américain, il a les poches remplies de bonbons qu’il distribue aux enfants autour de lui. La sensibilité de ce personnage est probablement le point le plus touchant de Motherland.
La mère de Kovas, Viktorija, stressée et récemment divorcée, essaie de se faire une nouvelle place dans son domaine familial. Elle y retrouve un ancien amant, Romas, qui lui assure avoir suffisamment de relations pour pouvoir l’emmener voir la maison de son enfance. Le point névralgique du film se trouve dans la scène du retour sur les terres familiales de Viktorija et Kovas. Face à eux se dresse l’authentique ferme. Pourtant, l’émotion ressentie lors de ces séquences est de courte durée : la maison semble habitée. Les nouveaux propriétaires sont russes, appauvris, et surtout, ont déjà commencé le processus de privatisation.
Motherland : Être adolescent en Lituanie
Motherland est, plus que tout, un film sincère sur l’adolescence. Les jeunes s’amusent, boivent lors de la fête du solstice, vivent leurs premiers amours. C’est un monde d’adolescents, toujours prêts à tenter, à se perfectionner, sans pourtant jamais crier trop fort.
Ce propos sincère sur le passage à l’âge adulte de Kovas rentre en raisonnance avec la situation de la Lituanie qui doit gérer sa propre indépendance récemment retrouvée.
Kovas se confronte malgré lui aux différences d’éducation entre sa vie à Boston et celle dans la campagne lituanienne. Il a dissimulé dans sa valise des revues pornographiques. Cela ne manque pas de choquer la famille qui lui remettra discrètement une enclycopédie de l’anatomie humaine…
Mais l’éducation puritaine n’est pas de mise du côté de chez Romas : les adultes se saoulent, font des bains de minuits dans la rivière, tirent à la carabine complètement ivres, poussant Kovas à desserer les dents. Mais c’est surtout la jolie fille de Romas, qui fera sourire Kovas en lui apprenant à conduire. Un cinéma de l’enfance qui nous rappelle celui de Louis Malle.
Un cinéma de l’intimité
Kovas et Viktorija s’installent un temps chez Romas, en pleine campagne. Il faut souligner avec quelle subtilité cette maison traditionnelle en bois est filmée. Les voiles de lin et de dentelle se gonflent sous l’effet du vent, montrent et cachent alternativement l’intimité de la maison, le soleil filtre à travers les carreaux, les portes et fenêtres toujours grandes ouvertes laissent entendre le pépiement des poules dans la cour.
Motherland incarne indubitablement un souvenir de son réalisateur, tant les détails sur lesquels se focalisent la caméra sont précis. Il faut avoir en tête que Tomas Vengris est fils d’immigrants lituaniens aux États-Unis, à l’image de son personnage, Kovas. En cela, le film touche nos sens et notre sensibilité. La caméra sort régulièrement de la maison, pour découvrir des espaces, de larges paysages, qui s’étendent à perte de vue aux yeux de Kovas.
L’insouscience de vivre retrouvée après la chute de l’URSS (ou du moins le désir de retrouver une vie insousciente) se symbolise par le choix d’une esthétique colorée et éclatante : les personnages portent des vêtements chatoyants, l’image est lumineuse.
Il serait dommage d’en dire trop sur le dénouement de Motherland, tant sa force évocatrice est bouleversante. Splendide témoignage de l’histoire lituanienne, bribe de vie personnelle, le film est aussi un sublime récit initiatique, où la jeunesse tente de trouver un point d’équilibre dans une Lituanie neuve, tout juste naissante. A la fin, il n’est plus question pour Kovas de conte de fée.
Le film fait partie de la sélection du ArteKino Festival.
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