Ce weekend, la France n’était pas la seule à élire son parlement. Suite à une motion de censure déposée en mai contre son gouvernement, les Kosovars ont en effet été rappelés aux urnes de manière anticipée. Bien que ramenant au pouvoir l’une des forces politiques historiques du pays, les résultats ont aussi conforté l’émergence d’une troisième force dans le pays, celle de Vetëvendosje. Sommes-nous à l’aube d’un “renouvellement politique” (pour employer un terme à la mode en France), ou bien face à une déstabilisation institutionnelle de plus dans la région ? Notre analyse en deux parties va tenter de répondre à la question. Intéressons-nous aujourd’hui à l’histoire des partis au Kosovo
Le gouvernement d’Isa Mustafa, futur ex-premier ministre du Kosovo, au final, se sera cassé les dents sur les frontières du Kosovo. Suite à plusieurs années de négociations, la question de la délimitation Kosovo/Monténégro aura eu raison de son cabinet. L’accord avec Podgorica, qui aurait dû mettre fin au contentieux territorial qui perturbait les relations entre les deux pays, a en effet empoisonné les affaires politiques internes du Kosovo, l’opposition au gouvernement accusant ce dernier de brader l’intégrité territoriale de la jeune nation. Ajoutons à ceci la défiance qui existait concernant le projet de créer une entité serbe administrativement autonome (communément appelée Zajednica) au nord du Kosovo (quasi-exclusivement peuplé de serbes), et la situation devenait explosive pour le cabinet Mustafa.
L’étincelle s’est finalement produite le 10 mai dernier, le parlement retirant la confiance au gouvernement, en raison principalement de ces deux points, provoquant des élections anticipées. On s’attendait, à l’origine, à une élection “ordinaire”, basée sur l’opposition entre les deux forces traditionnelles du pays, il n’en a rien été.
La scène politique kosovare traditionnelle : mosaïque de partis et bipartisme.
Lorsque le Kosovo devient autonome en 1999, la scène politique du territoire (on ne parle pas encore alors de pays) se caractérise par une opposition entre deux pôles issus de la relation au conflit d’éclatement de la Yougoslavie. Le clivage se situe alors entre les anciens partisans d’une lutte armée face à Belgrade, qui aura contribué à la création de l’UÇK, l’armée de libération du Kosovo et à l’émergence de chefs de guérilla comme Haradinaj, Thaçi ou Limaj et les anciens défenseurs d’une lutte non armée, chapeautée par l’intellectuel Ibrahim Rugova et son parti, la LDK, la ligue démocratique du Kosovo
Alors que la démocratisation du Kosovo entraîne la création d’une myriade de partis, le principal clivage va rester le même, celui opposant les vétérans de l’UÇK (désormais identifiés sous plusieurs partis, du PDK de Thaçi à l’AAK de Haradinaj) et les “intellectuels” de la LDK.
La décennie qui va suivre, et la construction politique du pays, va donc se jouer sur une alternance entre ces deux courants, entrecoupées de coalitions mélangeant les tendances.
Le trublion Vetëvendosje
On pouvait donc s’attendre, pour les élections de juin 2017, à ce que ce schéma bipartisan se poursuive, c’était sans compter sur l’émergence d’une troisième force : le mouvement Vetëvendosje (auto-détermination) et son leader, Albin Kurti.
Fondé en 2004, l’organisation s’est d’abord identifiée comme un mouvement de société civile, militant pour une émancipation totale, et la plus rapide possible, non seulement vis à vis de Belgrade, mais aussi de la communauté internationale (qui disposait d’un mandat d’administration sur le territoire), le tout sur un fond de nationalisme pan-albanais.
Crédit : Ulisivi/Wikimedia/GNU 1.2
L’indépendance proclamée, les revendications de Vetëvendosje ne cessèrent pas pour autant, celles-ci se diversifiant, portant désormais aussi sur une critique plus acerbe des partis politiques au pouvoir, ce qui conduisit le mouvement à partir de 2010 à se présenter aux élections parlementaires, récoltant dès sa première candidature des scores supérieurs à 12%. Le mouvement créa par la suite la surprise en ravissant à la LDK la ville de Pristina lors des municipales de 2013, avant de confirmer son scores aux législatives de 2014, avec 14% des voix.
Bien que ne constituant toujours pas une force de premier rang, Ventëvendosje se démarqua au sein du parlement pour ses positions plus radicales, que ce soit concernant les questions économiques, critiquant très fortement le processus de privatisation au Kosovo (qui faisait jusque là l’objet d’un consensus), ou en s’opposant violemment aux processus en cours concernant la frontière avec le Montenegro et la Zajednica.
La contestation contre ces deux projets alla très loin, vu que les parlementaires de Ventëvendosje prirent l’habitude d’interrompre les sessions de vote en introduisant des gaz lacrymogènes dans l’enceinte du parlement (ce qui conduisit d’ailleurs à l’arrestation d’une partie des élus du mouvement responsables de ces opérations).
Cette opposition radicale, au final, fut payante pour le mouvement, vu qu’elle conduisit à une amplification de la contestation aux projets et aux élections, qui virent l’arrivée de Vetëvendosje en deuxième position au scrutin de juin 2017. Vetëvendosje désormais deuxième force du pays : à quoi faut-il s’attendre ? Nous le verrons demain avec la seconde partie de notre dossier sur les élections au Kosovo !
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