Le village du péché est un film soviétique muet et en noir et blanc de 1927 de la réalisatrice russe Olga Préobrajanskaïa assistée de Ivan Pravov. Celle-ci a tout d’abord eu une carrière de comédienne puis a été actrice dans de nombreux films avant de devenir de 1916 à 1941 la coréalisatrice de dix films.
Malheureusement Le village du péché, qui est donc son 4e, semble le seul disponible aujourd’hui en France; sans doute du fait de son statut de tout premier film féministe du cinéma soviétique.
L’action du film se situe à Riazan, village situé à 196 kilomètres de Moscou, le titre russe est d’ailleurs Femmes de Riazan. Il débute au printemps 1914.
Vassili Shironine, patriarche acariâtre et libidineux joué par le broussailleux Kouzma Yastrebitski, a un garçon et une fille qui arrivent tous deux à l’âge de se marier. La fille Wassilissa, joué par la jeune Emma Tsesarskaïa, se rebelle contre le père qui refuse d’accorder sa main à un simple forgeron et quitte la maison familiale pour épouser celui qu’elle aime.
Vassili choisit de marier son fils Ivan à une orpheline Anna, que lui-même convoite secrètement. Passent les épousailles et arrive la première guerre mondiale. Ivan doit rejoindre le front. Anna, jouée par l’admirable Raïssa Poujnala, se retrouve alors isolée dans la maisonnée de son beau-père, exposée à l’exploitation de la part de Lukéria, la servante – devenue la maîtresse de Wassilissa, interprétée par Elena Maksimova – qui lui donne les tâches les plus ingrates puisqu’elle est la plus jeune.
Mais surtout Anna est exposée au harcèlement qui se fait plus en plus menaçant de la part du patriarche puisque le mari ne donne plus la moindre nouvelle et qu’on le croit disparu.
Le village du péché, c’est tout d’abord la splendeur des images pastels de nature et d’animaux qui ouvrent le film. Ce sont encore les magnifiques costumes traditionnels des personnages féminins et ces lavandières avec leurs draps immenses. Parce qu’il est tout simplement ancré dans son époque, son tournage a duré 2 ans de 1926 à 1927 pour saisir le rythme des saisons, ce film parvient à en offrir un témoignage naturaliste, comme le faisait à sa façon Un Bonheur juif.
Mais surtout Le village du péché est un film féministe. Pour bien réaliser sa portée, permettons-nous une comparaison avec Quand passent les cigognes, film soviétique parlant de 1957 qui aborde aussi le sujet du viol. Là où son réalisateur Kalatozov fait d’un viol une scène survenant soudainement, le scénario du Village du péché en fait l’aboutissement d’un processus, celui du harcèlement. Vassili tente d’abord de monnayer des faveurs auprès d’Anna puis arrive l’agression mais aussi la honte se retournant contre la victime. Tout ce que beaucoup de films ignorent ou que certains nient, Probrajanskaïa parvient à le décrire dans un film de 1927 grâce au scénario de Boris Altchouler et Olga Vichnevskaïa.
Nous ne savons rien aujourd’hui des conditions de réalisation de ce film et de l’accueil qui lui a été fait à l’époque. On peut simplement noter que Olga Préobrajanskaïa obtiendra par la suite la coréalisation avec son partenaire de la première adaptation à l’écran du Don Paisible l’un des romans les plus importants de la première partie du XXe siècle (pour ceux qui ont lu ce roman dans l’édition Omnibus, c’est un photogramme du film de Préobrajanskaïa et Ivan Pravov qui figure en couverture) .
Mais l’essentiel reste que ce cinéma parvienne encore au-delà des années à nous toucher.
On peut enfin saluer l’université de Chicago qui a permis la restauration de ce film et Daniel Jourda pour le travail d’adaptation en français et ses petits bijoux d’intertitres qui semblent des tableaux d’écoliers.
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