17 moments du printemps est l’adaptation télévisée en 12 épisodes de 70 minutes chacun du roman de Julian Semenov, romancier et correspondant étranger soviétique. Ce feuilleton réalisé par Tatiana Lioznova a été diffusé pour la première fois à la télévision soviétique en 1973, soit 5 ans seulement après la publication du roman.
Il raconte les aventures d’un Russe Isaev à 100 jours de la fin de la seconde guerre mondiale infiltré dans les forces allemandes au point d’y devenir Stierlitz, un officier respecté du contre espionnage. La série sera un grand succès à l’époque et multi rediffusée pendant des décennies sur le petit écran. L’acteur principal, Viatcheslav Tikhonov, a aussi joué dans le magnifique Soleil Trompeur de Mikalkhov en 1993.
Il aura été une figure si populaire en Russie, même après la chute de l’URSS, que Poutine lui rendra un hommage public à sa mort en 2009. Un hommage qui s’apprécie peut-être aussi pour Poutine, ex-agent du KGB qui a passé des années en Allemagne, par le fait que le personnage de Stierlitz traverse presque toute la série sans que son visage trahisse la moindre émotion d’Isaev, alors que l’acteur n’a pas eu recours au Botox.
Dès le premier épisode, Isaev est chargé par Moscou de vérifier si des dignitaires allemands ont bien entamé des pourparlers avec les forces américaines pour conclure une paix séparée dans le dos des soviétiques. L’intrigue est aussi une façon habile de faire l’impasse sur l’accord germano-soviétique.
Cette série dissèque donc les jeux de rivalités et de pouvoir entre les dignitaires nazis alors même que les troupes soviétiques ne sont bientôt plus qu’à quelques centaines de kilomètres de Berlin et qu’on entend régulièrement les canons gronder.
Isaev sait tirer parti en joueur d’échecs aguerri des confrontations feutrés entre Himmler, Bormann et les autres et, même en prison, retourner à son profit une situation désespérée. Cependant la série vaut aussi (avec l’étonnement à chaque fois renouvelé pour le spectateur français d’entendre des dignitaires nazis, y compris Hitler dans son bunker, parler russe) voire surtout pour ses portraits d’Allemands ordinaires.
Mais aussi le simple soldat, le citoyen ordinaire. Cette série ne présente pas seulement un monstre. Ce sont aussi des personnages tentant à leur niveau de faire face à une dictature. La popularité de la série s’explique sans doute aussi par les parallèles que le téléspectateur soviétique pouvait faire entre sa situation et sa crainte du KGB et ce qu’il voyait à l’écran.
Disons le, 17 moments du printemps est un feuilleton qui s’apprécie comme il a été écrit, dans un fauteuil. Pas de rythme trépidant, quelques notes de pianos qui reviennent lancinantes et dans les premiers épisodes, écrire sur une feuille de papier semble une scène d’action. Mais pour quiconque s’intéresse à la Russie, c’est un fascinant éclairage sur la représentation que se fait alors l’Union Soviétique de la grande guerre patriotique et de son grand ennemi de l’époque, l’Allemagne nazie.
Cela permet aussi de découvrir que dans une série télévisée diffusée à une heure de grande écoute, on pouvait balancer pendant un épisode quelques secondes d’images d’archives sur les camps nazis qui sont aujourd’hui tout à fait insoutenables.
C’est la représentation des tares comme des talents de la télévision de l’époque. On peut enfin saluer le travail remarquable de Tfaufau pour diffuser les 12 épisodes dans une version sous titrée en français (pour les spectateurs qui auront la patience d’arriver à la fin ils découvriront d’ailleurs de touchants, quoi que parfois anachroniques, hommages à la France).
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