Découvrons la comédie “Attention Automobile”, l’une des plus attachantes de Eldar Riazanov, cinéaste de multiples comédies populaires qui ont marqué des générations de soviétiques.
Attention Automobile (Берегись автомобиля) est un film de Eldar Riazanov déjà réalisateur 10 ans plus tôt du film La Nuit du Carnaval, plus grand succès de l’année 1956. Le film repose sur la possibilité offerte à son personnage de sortir du rôle qui lui a été donné. Le fait que cette recette qui se retrouve dans la plupart de ses films ait eu autant de succès montre assez combien la société soviétique se percevait comme figée.
Riazanov qui aura toujours eu suffisamment de talent pour rendre son ironie convenable sera célébré à de multiples reprises par le régime soviétique, puis le pouvoir russe. En 2006 il s’offrira même le luxe de réaliser une suite hommage à son premier grand succès La Nuit de Carnaval et en 2007 le réalisateur à succès Timour Bekmambetov tournera L’ironie du sort, la suite même si le résultat semble avoir été plus que discutable. Tout ceci atteste de sa place dans la culture populaire russe.
L’intrigue de “Attention Automobile” se résume simplement. Detotchkine est agent d’assurance dans une ville de Russie. Il ne supporte pas de découvrir dans le cadre de son travail que certains puissent s’enrichir. Il décide donc de voler leurs voitures pour les revendre au profit d’orphelinats de la région. Mais un policier va se lancer à la poursuite de ce délinquant.
Plus qu’une comédie Attention Automobile est une fantaisie. Dès le début, la voix off s’amuse avec les codes du film policier en brouillant les cartes sur le lieu ou l’action se déroule et en prétendant que toutes les villes d’URSS revendiquent d’en être le cadre. De même lors de la scène de poursuite, qui est un sommet du film, Riazanov s’amuse à faire ralentir les deux poursuivants sous prétexte qu’ils passent devant une école.
Le scénario place aussi les deux héros dans la même troupe de théâtre ouverte aux amateurs ce qui emble avoir été très prisé à cette époque en URSS. Dans le rôle de Détochkine (nom qui renvoie à l’enfance*) Donatas Banionis joue avec talent un rôle d’éberlué finaud qui pourrait le rapprocher du Bourvil de Un drôle de paroissien. Tandis que Oleg Efremov joue le rôle du commissaire Maksim Podberezovikov, qui reconnaît l’artiste derrière le voleur et cite Stanislavski durant son enquête avec une sorte de flegme. Le tout compose un film qui, s’il est moins réputé que le culte L’ironie du sort ou même Une romance de bureau, s’est bien plus affranchi des recettes et des attentes avec d’ailleurs une référence culinaire à Alexandre Dumas. C’est à la fois une critique de la police et des aspirations bourgeoises dans la société soviétique et un hommage à la légendaire Moskvitch, firme automobile qui a accompagné toutes les évolutions du régime soviétique et dont on avait déjà parlé ici pour Moskvitch mon amour.
* Merci à Laurent Coumel pour la précision