Sassja est une rappeuse bosnienne de 28 ans. Son premier album « Taktički Praktično » est sorti en 2015. Chez Hajde, on est tombé amoureux de son rap en regardant le clip Clash. Nommée en tant que meilleure artiste de l’adriatique en 2015 aux MTV Europe Music Awards, on est parti à sa rencontre, et elle nous a répondu avec plaisir.
Tu peux te présenter ?
Je m’appelle Sassja, je suis originaire de Tuzla en Bosnie-Herzégovine, et je suis la membre la plus mignonne de FMJAM (collectif de Hip-Hop en Bosnie-Herzégovine). Hahahah !
Comment définis-tu ton travail d’artiste ?
Je peux pas le définir, j’écris des paroles, et je rappe sur des sons que j’aime.
Qu’est-ce qui t’a fait venir au rap ? Tu as été influencée par d’autres artistes ou d’autres genres musicaux ?
Je suis passée par toutes sortes de musiques et j’essaye de les mélanger pour en faire mon propre style. C’est ennuyeux d’être coincé dans un seul genre, je suis juste un MC, j’écris et je fais ce que je veux avec mes paroles.
« Je viens de Bosnie, j’ai une histoire totalement différente, des sujets sur lesquels écrire différents, et surtout un accent différent. »
Tu rappes en bosnien, t’as déjà pensé à écrire en anglais pour atteindre un public plus large ?
J’ai quelques chansons en anglais, mais je ne les ai pas encore sorties. Je ne veux pas me précipiter, on va voir ce que l’avenir va m’apporter. Je vois beaucoup de MC reggae en Europe rapper en anglais. Ils mixent avec un accent patwa bizarre. C’est trop facile d’écrire une chanson comme ça, tu mixes « ganje, Jah, smoke, vicked, dem, cyaan, etc… » avec quelques phrases que personne ne comprend, ça sonne bien avec ton flow, et tu rajoutes un peu de riddim bass.
Pour moi c’est comme copier-coller des sons de Sizzla, Gentleman ou d’autres. Je viens de Bosnie, j’ai une histoire totalement différente, des sujets sur lesquels écrire différents, et surtout un accent différent. Ça prend du temps de faire ça bien de ta propre façon, donc ça prend du temps pour moi.
Ton premier album « Takički Praktično » est sorti en 2015, on peut trouver quoi dedans ?
Musicalement des mixs de reaggae, du new roots, de la dub, du rap et jungle. Du côté des paroles c’est plus anti politique, anti guerre, anti argent, anti tout quoi !
J’aime beaucoup ton style, le rythme, la musique, mais tu dis quoi dans tes chansons pour ceux qui ne comprennent pas le bosnien ?
J’écris sur les gens et sur les choses que je vois et que je ressens dans notre région. J’utilise beaucoup le sarcasme parce que c’est comme ça qu’on parle aujourd’hui dans la rue. Il y a beaucoup de choses sur lesquelles on pourrait pleurer, mais on fait des blagues là-dessus plutôt.
Ton rap est assez engagé comme dans ton clip Jemen, pourquoi ? Tu penses pouvoir changer le monde avec ton flow ?
Dans cette vidéo, il y a les paroles traduites dans la description. Je ne sais pas si mes mots peuvent changer le monde, mais je sais que les mots de quelqu’un m’ont changé, et m’ont permis de devenir une meilleure personne. Si mes mots aident à l’éducation d’au moins une personne, ou même une douzaine, certes ce n’est pas assez pour changer le monde mais c’est toujours un pas en avant.
J’écris sur tout ce qui me rend heureuse ou triste, c’est comme ça que je garde mon âme saine, et mon esprit fort. Quelqu’un pourrait trouver de la force et de l’inspiration dans mes mots, et ensuite, cette personne pourrait en éduquer d’autres. C’est comme cela que l’on fera du monde un meilleur endroit.
Tu as fait un duo avec « Remi » (Croatie) et avec « Who See » (Monténégro). Tu penses que la religion importe encore dans les Balkans, ou comme tu le fais, les gens devraient faire des projets tous ensemble ?
La religion je m’en fous, les nationalités aussi, les frontières et tout ça aussi. C’est des conneries si tu me poses la question et j’ai pas de temps pour ça, je préfère passer mon temps à être heureuse. Les gens devraient faire ce qu’ils veulent tant qu’ils ne blessent pas d’autres personnes.
Tes clips sont d’une très bonne qualité. Tu gardes un œil sur la réalisation ?
Mes clips vidéos ? Non… Je suis plus concentrée sur le son. J’essaye pourtant de tomber amoureuse d’une caméra comme je le suis d’un micro hé hé !
Tes clips « Clash » et « Etikete » ont fait plus d’1 million de vues chacun, bravo ! Tu n’as pas pris la grosse tête depuis ?
J’utilise pas Youtube comme une mesure de succès, mes ambitions vont bien au-delà de ça !
Tu aimes être sur scène ?
Oui, surtout les grosses scènes, c’est ma chose préférée dans ce business. Les concerts, les festivals, l’adrénaline, la folie !!!
Une femme qui rappe en Bosnie-Herzégovine, c’est pas facile tous les jours ?
Tout est vraiment difficile ici. Sauf voler et être un idiot immoral.
Tu as une forte communauté sur internet, c’est important pour toi ?
C’est important que je les ai en dehors surtout. Et mes fans sont les plus gentils !
Quel est la place de la culture en Bosnie-Herzégovine aujourd’hui ? Est-ce que le gouvernement fait beaucoup ou peut-on plus trouver de culture underground à travers l’action des citoyens ?
On a toutes sortes d’arts, mais on n’a pas une industrie spéciale pour le promouvoir et le vendre. Les musiciens par exemple doivent faire la promo, les réservations, imprimer les CD, le merchandising, les designs de l’album ou des posters, et même des fois faire du collage dans les rues. DIY (Do it Yourself) la plupart du temps. Les lois pour les statuts des artistes sont incomplètes ou n’existent même pas. T’as pas de document disant officiellement que tu es un artiste ou musicien professionnel, et t’as pas d’assurance ou d’avantages fiscaux. J’imagine que si tu poses cette question au gouvernement, pour eux l’art ne devrait être qu’un loisir.
Quand on parle de la Bosnie-Herzégovine ou des Balkans en France, les gens pensent à la guerre, aux réfugiés ou à l’Etat Islamique de nos jours. Est-ce que tu as quelque chose à leur dire pour qu’ils changent leur point de vue ?
Quand on entend parler de la France, on parle de la Tour Eiffel et seulement cette partie de Paris. Certains d’entre nous ont même une photo là-bas. Je n’ai jamais vu d’autres villes de France à la TV, j’imagine que la province est désertique. N’est-ce pas ? T’as quelque chose à dire pour me faire changer mon point de vue ?
En France, on a eu un débat très fort sur le mariage pour tous. C’est quoi ton opinion à toi ?
Le mariage ça veut dire amour et sexe. Ces deux choses ne peuvent pas être le mal. Détester, violer, tuer, molester, ça c’est le mal, et ce n’est pas pas dans la définition du mot mariage.
On peut espérer quoi pour toi dans le futur ? Peut-être te voir en France un de ces jours ?
Personne ne m’a invitée en France… pour le moment ! Je suis passé en Suisse il y a quelques jours. Fallait venir me voir jouer.
Dernière question, à part toi, il y a des sons à écouter des Balkans en ce moment ?
Oh oui ! Va voir mes musiques et ensuite clique sur vidéos communes sur Youtube. Surtout ne va pas chercher sur Google des choses comme « Balkan Rap », « Balkan Rock » ou « Balkan quoi que ce soit » parce que tu auras sûrement le pire des Balkans. »
Merci à Sassja et à Maja pour cette interview.
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