Alors que certains observateurs parlent du retour de la guerre en Europe pour la première fois depuis la fin de la seconde Guerre-Mondiale, omettant volontairement ou non la guerre en Yougoslavie dans les années 90, le siège de Sarajevo, ou encore la guerre du Kosovo, posons-nous la question du retentissement de la guerre en Ukraine dans les Balkans, et plus particulièrement en Serbie…
Retour sur l’actualité politique en Serbie de ces dernières semaines
Alors qu’Aleksandar Vučić a annoncé des élections législatives anticipées pour le 3 avril, suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale le 15 février dernier, il reste en tout cas flou sur son soutien dans la guerre en Ukraine.
On peut le voir sur les réseaux sociaux, des milliers de manifestants d’extrême-droite, mais pas seulement, en faveur de la Russie auraient défilés dans les rues de Belgrade, dans la plus pure tradition « Vučićienne », forcés voire même payés pour certains par le pouvoir. Alors que dans le même temps on ne comptait que des centaines de manifestants pro-Ukraine le week-end dernier. Pour autant, n’étant pas dans un état de droit, certaines personnes ont pu ne pas sortir manifester craignant pour leur emploi ou pire, comme on peut le voir en Russie.
Quelle est la position de la Serbie dans ce conflit ?
On le sait, la Serbie est un pays à majorité orthodoxe et très, très proche de la Russie. Pour le dictateur russe Vladimir Poutine : « Nos relations ont un caractère non seulement amical et stratégique, mais aussi complètement particulier, qui s’est formé au cours des siècles grâce à nos peuples ». Et alors que certains serbes voient d’un bon œil une adhésion à l’Union Européenne, d’autres sont plus favorables à une Union avec la Russie.
Dans le même temps, de nombreux serbes se sentent floués par l’Union Européenne, avec qui les discussions avancent très lentement. Ce qui est compréhensible du côté européen, les critères de Copenhague n’étant pas respectés en Serbie, notamment sur la liberté de la presse, ou encore sur la mise en place d’institutions stables, garantissant l’État de droit, la démocratie, etc.
Et c’est d’ailleurs pour cela qu’Aleksandar Vučić a dissous l’Assemblée Nationale, suite à des pressions de Bruxelles. Effectivement, les dernières élections en 2020, alors boycottées par l’opposition, n’étaient pas vraiment conformes aux règles qu’imposent une démocratie. Ces élections n’étant ni libres, ni équitables, au vu de la mainmise du Président serbe sur les médias du pays.
Alors pour qui roule Aleksandar Vučić, le Président de la République de Serbie ?
La Serbie a annoncé soutenir pleinement l’intégrité territoriale de l’Ukraine, sans pour autant imposer des sanctions à Moscou, comme le font le reste des pays Européens (à noter que même Viktor Orban soutient les sanctions de l’UE contre la Russie). Une position neutre qui pourrait rappeler les grandes heures du Maréchal Tito. La Serbie est d’ailleurs l’un des seuls pays européens avec la Turquie à encore autoriser les avions de sa compagnie Air Serbia à effectuer des allers-retours avec la Russie.
Est-il normal à l’heure actuelle de laisser un pays candidat à l’adhésion à l’Union Européenne ne pas prendre de sanction contre l’instigateur d’une guerre incompréhensible ? La question peut se poser, et les responsables européens ont tranché, la Serbie devra s’aligner sur la politique étrangère européenne si elle veut adhérer.
Emmanuel Macron, le Président de la République Française a d’ailleurs eu son homologue serbe au téléphone quelques jours après le début de cette guerre, afin de le mettre sous pression en lui rappelant « que la guerre en Ukraine nécessite que l’Union européenne et l’ensemble des pays qui lui sont proches, notamment les pays qui comme la Serbie se sont vus reconnaître une perspective européenne, examinent ensemble les voies et moyens de resserrer encore leurs liens et de construire un avenir commun à l’ensemble des Européens. La guerre en Ukraine doit être l’occasion d’un rapprochement européen. »
Et les serbes dans tout ça ?
Pour avoir discuté de la situation actuelle avec quelques connaissances vivant en Serbie, pour certains plutôt eurosceptiques à cause notamment de promesses non-tenues, et d’une adhésion qui pour eux ne verra jamais le jour, ces derniers sont pour la neutralité de Vučić sur la guerre en Ukraine.
Ces derniers pensent d’ailleurs que l’UE n’a jamais rien fait pour les pays des Balkans occidentaux, alors que des aides exceptionnelles sont accordées depuis 2007 par le biais de l’Instrument d’aide de Préadhésion, avec 23,2 milliards d’Euros, et une nouvelle enveloppe de 14,2 milliards pour la période 2021/2027. En plus d’accords signés pour que les pays non-membres puissent aussi participer à des programmes comme Europe Creative, Erasmus+, Horizon, etc.
On peut constater que la propagande de Vučić contre l’UE fonctionne à plein régime. Il reste le seul interlocuteur de l’UE, se drapant comme européen convaincu à Bruxelles, pour mieux tirer sur l’UE de retour à Belgrade.
D’autres encore mettent en avant les bombardements de l’OTAN sur la Serbie en 1999 (bombardements suite à la répression que subissaient les minorités albanaises du Kosovo) pour soutenir le dictateur russe.
Il existe enfin une frange de la population pro-européenne, qui n’a pas encore abdiqué pour une intégration à l’Union Européenne, et ouvertement pro-Ukraine dans ce conflit.
Aleksandar Vučić va donc devoir faire un choix : soit continuer à percevoir les aides des instruments de pré-adhésion de l’Union Européenne, se diriger vers une démocratie et soutenir l’Ukraine, ou soutenir la dictature de Poutine. S’il choisit ce dernier scénario, les perspectives d’adhésion vont alors s’assombrir pour la Serbie…
Photo de couverture : Jérôme Cid
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