Il y a quelques mois, nous vous avions partagé des photos d’un festival de charcuterie en Voïvodine, dans le nord de la Serbie. Ce mois-ci, notre photographe Jérôme retourne dans la région, cette fois pour un festival de la saucisse et de la rakija, l’eau de vie typique de l’Europe du Sud-Est.
Près d’un an plus tard, me voici à nouveau avec mes amis serbes sur les routes hivernales de Voïvodine. Notre acolyte le brouillard est toujours là, bien que moins important que l’année dernière. Rendez-vous cette année à Belo Blato (ce qui veut littéralement dire Boue Blanche), pour le cinquième festival de la saucisse et de la rakija.
Depuis quelques années, en effet, les différentes municipalités de la région, frappée de plein fouet par un exode rural particulièrement violent, tentent de mettre à l’honneur les productions agricoles locales au travers de festivals et autres concours. Rakija, Bacon, Saucisse, porc, voire même testicules de boeuf sont ainsi les stars d’un jour.
Bien qu’assez peu médiatisée au niveau national, la fête de la saucisse et de la rakija ne manque pas de succès. Celui-ci se fait en effet sentir dès l’approche du village. Belo Blato se situant sur une île coincée entre la rivière Tisza et l’un de ses affluents, le Begej, une seule route relie le village au “continent”, qui se retrouve très rapidement congestionnée.
Malgré le monde, nous parvenons à nous garer, et nous découvrons le festival. La foule est compacte, on se bouscule presque pour découvrir les réalisations des artisans locaux, qui sont venus de toute la région pour vendre leurs productions. Au-delà de la saucisse, c’est toute la production de charcuterie régionale qui est mise à l’honneur, du bacon jusqu’aux čvarci, une spécialité balkanique à base de couenne de porc frite dans le saindoux.
Une ambiance bonne enfant règne, alors que les populations se mélangent. La Voïvodine, en effet, est une véritable mosaïque de minorités (des hongrois principalement, mais aussi des slovaques, des roumains, des ukrainiens, des monténégrins, etc.), il n’est donc pas étonnant d’entendre parler dans d’autres langues que le serbe, particulièrement dans un village comme Belo Blato, peuplé majoritairement de Slovaques.
De stand en stand, je commence à goûter aux chefs d’oeuvre de production locale. Au-delà de la saucisse, la générosité des producteurs d’alcool me frappe. Les échantillons de rakija “pour goûter” sont en effet de vraies doses d’un alcool qui tire – au minimum – à 40%. Ajoutons à ceci les dégustations de vin et de bière, et je commence à voir plus de brouillard qu’il n’y en a réellement.
N’étant pas le seul dans cet état, je comprends pourquoi beaucoup de gens autour de moi sont joyeux et ne marchent pas droit. Je commence aussi à comprendre pourquoi les gens mangent autant : à jeun, on ne peut pas terminer dignement le festival. Je continue donc ma dégustation de saucisses diverses et variées, incluant une saucisse de blaireau, dont je doute cependant de la véracité (ça ressemble quand même beaucoup au porc, leur blaireau).
Vient alors la remise des prix : le festival s’accompagnait en effet d’un concours de la meilleure saucisse. On appelle les gagnants, et ils seront nombreux. Les prix décernés, le programme de l’évènement prévoit un temps de “socialisation”, comprenez encore plus de vins, rakijas, et autres spiritueux.
Voyant venir l’entourloupe, mes amis comprennent qu’il est temps de partir, avant que tout le monde, y compris moi, ne nous retrouvions en zombie. Nous laissons donc le festival, satisfaits de notre après midi.
Que retenir de ce festival, au final ? Au-delà de la consommation déraisonnable de graisses et d’éthanol, il s’agit d’un bon moment dont il faut profiter. Il y a en effet dans ces festivals une ambiance de kermesse de village difficile à trouver ailleurs. Les finances exsangues des collectivités locales sont telles que l’organisation laisse souvent place à l’improvisation, mais cela permet de faire de belles découvertes, et des rencontres inoubliables avec des gens qui sont ravis de faire découvrir leurs productions, souvent le fruit de plusieurs générations de savoir-faire.
C’est enfin, l’occasion de découvrir sous leur meilleur jour des villages qui disparaissent progressivement. Belo Blato, par exemple, comptait 2000 habitants en 1961, ils n’étaient plus que 1300 en 2011. Ces festivals sont donc les dernières lueurs d’espoirs, quelques jours de fêtes avant qu’ils ne retombent dans le silence le reste de l’année, un silence de plus en plus pesant…
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