Le célèbre cinéaste et musicien a choisi Paris pour mettre un terme à sa tournée mondiale mais aussi à sa carrière au sein du No Smoking Orchestra. Récit & photos de cette soirée de décembre 2022 qui marquera un tournant dans la carrière d’Emir Kusturica.
Si l’on connait davantage Emir Kusturica pour ses films devenus cultes, comme Underground (Palme D’Or à Cannes en 1995), Papa Est en Voyage d’Affaire (Palme d’Or 1985) ou Arizona Dream avec Johnny Depp, il s’est aussi distingué comme musicien au sein du No Smoking Orchestra.
Fondé en 1994 à Sarajevo, le No Smoking Orchestra devient vite indissociable de la carrière de Kusturica puisque c’est avec ce groupe qu’il compose les musiques de plusieurs de ses films les plus célèbres, comme Chat Noir Chat Blanc (1998), La Vie Est Un Miracle (2004) et Le Temps des Gitans (2007).
Kusturica, ses adieux à la scène à Paris
Il part régulièrement en tournée dans le monde entier, et c’est à Paris, au mythique Olympia, qu’il se produit pour la première fois en France en 2000.
Francophile (il obtient la double nationalité française en 1990), c’est naturellement qu’Emir Kusturica a choisi cette même salle 22 ans après – le 21 décembre 2022 – pour mettre un terme définitif à sa carrière à la tête du No Smoking Orchestra et de « raccrocher sa guitare« .
Cette décision serait elle liée aux récentes révélations de la presse internationale disant que Kusturica aurait été approché pour prendre la tête du Théâtre académique central de l’armée russe à Moscou afin d’adapter sur scène trois de ses films, lui qui n’a jamais caché son soutien au Kremlin ?
Doit on alors « boycotter » Kusturica ? La question peut légitimement se poser. Mais accordons nous une trêve et laissons nous plutôt porter par la musique du No Smoking Orchestra et ses musiciens qui sont clairement le centre et l’énergie folle de ce projet, Emir Kusturica ne venant que couronner le tout. Et pour leur dernière apparition sur scène, cela aurait été dommage de s’en priver tant le groupe sait nous emmener dans sa folie balkanique.
Pour ce dernier baroud d’honneur qui vient clôturer la tournée qui a suivi la sortie de leur dernier album « Corps Diplomatique » en 2018, leur seulement deuxième album studio après le fameux « Unza unza time » paru en 2000, le No Smoking Orchestra s’est présenté avec sa formation à 9 musiciens, parmi lesquels les « historiques » Dejan Sparavalo (violon), Nesha Petrović (saxophone) et Zoran Milošević (accordéon) qui font le show scéniquement et musicalement.
Vingt ans de scène condensés en deux heures
Kusturica et ses musiciens nous ont donc servi un concert en forme de rétrospective de ces deux décennies passées ensemble.
Au programme, d’abord des titres issus des bandes originales de ses films tels que Chat Noir Chat Blanc (« Meine stadt », « Pitbull terrier »…), La Vie est un miracle (« Life is a miracle »), Underground, On The Milky Road (avec Monica Belluci au casting), le Temps des Gitans évidemment, sans oublier son hommage à Maradona dont il a sorti un documentaire en 2008.
Puis se sont enchainés sans temps morts les meilleurs morceaux du groupe, de « Unza Unza » aux titres de leur dernier album comme « Fuck U MTV », « Mila Gora », Comandante, « Cerveza », « Scared of Dental Drills » ou encore « Before The End » et « Tito Puente ».
2 heures de show avec un public réceptif à l’univers si personnel « balkan-gypsy-punk-rock » du No Smoking Orchestra. Un cocktail explosif entre les Balkans et le Mexique, avec ce dernier album sur lequel les musiciens posent en guerilleros mexicains et mélangent leurs influences balkaniques avec – entre autres – des sonorités latines.
Ça chante, ça danse, et ça part même en fanfare balkanique avec les musiciens au milieu du public.
Une belle manière de conclure avec panache plus de vingt ans de concerts dans le monde entier pour cet artiste né en Bosnie Herzégovine puis naturalisé serbe il y a une quinzaine d’années (identité désormais fièrement revendiquée, lui qui s’est affublé durant le concert d’un maillot du club du Partizan de Belgrade avec son nom écrit en cyrillique serbe).
Avec une telle ambiance on en aurait presque oublié que c’était la dernière fois que nous les voyions tous ensemble réunis sur scène, leur complicité était d’ailleurs plus que communicative.
Malgré de nombreuses prises de positions politiques sujettes à polémiques, Kusturica n’en reste pas moins un artiste de premier plan dans les Balkans mais aussi sur la scène internationale.
L’avenir nous dira ce que le réalisateur et musicien franco-serbe a prévu pour la suite de sa carrière après cet ultime concert avec son groupe, et ce que son groupe deviendra sans son leader historique.
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