Une onde de choc a envahi les pays issus de l’Ex-Yougoslavie ce 19 février 2021. Le chanteur star Đorđe Balašević s’est éteint à 67 ans, laissant derrière lui plusieurs décennies de tubes et d’engagements qui ont fait de lui l’un des artistes les plus célèbres de la région.
Retour sur la vie et l’oeuvre de cet artiste emblématique, yougoslave de la première à la dernière heure.
Đorđe Balašević naît à Novi Sad, en Serbie, où il passera toute sa vie.
Il commence sa carrière musicale en 1977 avec un premier groupe, « Žetva », avant de connaître le succès avec son nouveau groupe Rani Mraz. C’est avec ce groupe qu’il écrit ses premiers tubes, à commencer par « Računajte na nas » (« comptez sur nous ») qui deviendra vite un hymne pour la jeunesse communiste yougoslave. Nous pouvons également citer « Priča o Vasi Ladačkom » ou «Panonski mornar » parmi ses premiers succès.
Il se lance ensuite en solo avec un premier album « Pub » sorti en 1982 et qui inclus plusieurs tubes en devenir. Sa carrière bien lancée, les albums et les tournées s’enchainent jusqu’au début des années 90…Lorsque les combats font rage et que cette Yougoslavie qu’il aime tant s’effondre sous ses yeux, Đorđe Balašević se met un peu en retrait.
Đorđe Balašević, militant contre le nationalisme
Profondément anti guerre, difficile pour lui se trouver sa place dans un tel chaos, dans un pays qu’il ne reconnait plus. Il continue néanmoins d’écrire ses poésies pleines d’humanité, et c’est dans cette période qu’il écrira notamment «Krivi smo mi » (« C’est de notre faute ») un morceau rock qui sortira quelques temps plus tard.
Il revient sur le devant de la scène en 1996, une fois la guerre terminée, avec un nouvel album « Naposletku… » (« Après tout »…) et a depuis poursuivi sa carrière avec plus de dix albums studio, et un live enregistré à Maribor en Slovénie qui témoigne de l’intensité et de l’émotion dégagée par ses prestations scéniques (qui pouvaient durer trois ou quatre heures).
Đorđe Balašević a toujours défendu et revendiqué les valeurs yougoslaves et s’est sans cesse battu contre les nationalismes, qu’ils soient slovène, croate, serbe ou bosniaque. Ses prises de position lui ont valu de nombreux accrochages avec les politiques de l’époque, notamment avec Milosevic avec lequel il était fermement opposé et qu’il n’hésitait pas à critiquer ouvertement sur scène. Certaines de ses chansons furent même interdites à la radio durant les années de conflits.
Đorđe Balašević, militant pour la paix
Đole, comme le surnommaient ses fans, fut le premier chanteur serbe à se produire à Sarajevo après la fin de la guerre, c’était en février 1998. Tout un symbole dont beaucoup de sarajeviens se souviendront encore longtemps tant l’émotion était palpable à la fois sur scène et dans le public.
Quelques années plus tard, en 2006, lorsque le Monténégro s’oppose au gouvernement de Belgrade et réclame son indépendance de la Serbie, Đorđe Balašević soutient alors les monténégrins en leur souhaitant dans une lettre que « Que tous ceux qui tiennent à ce pays aient une chance de le rendre aussi bon que possible », tout en précisant « qu’ils siègent à gauche ou à droite dans l’Assemblée, ce qui n’est pas aussi important qu’il y parait ».
Admis à l’hôpital quelques jours plus tôt pour une pneumonie, l’annonce de sa mort s’est très vite répandue dans tous les pays de l’Ex Yougoslavie, où sa carrière et son engagement ont été largement célébrés dans les médias. A l’exception du Kosovo où les albanais n’ont pas omis de déclarer haut et fort dans la presse que Đorđe Balašević était « anti albanais ». Une polémique pas forcément nécessaire.
De la rue Ilica à Zagreb jusqu’à sa ville natale de Novi Sad en passant par Sarajevo, les rassemblements furent nombreux pour rendre hommage à cette légende de la musique yougoslave. Un véritable poète des temps modernes et peut être le plus yougoslave des artistes yougoslaves, qui laissera incontestablement une trace indélébile dans les mémoires.
Une partie de sa discographie est disponible sur Deezer
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