Ouvert temporairement au public il y a un peu plus d’un an, Bunk’Art, le bunker antinucléaire d’Enver Hoxha a ré-ouvert de manière permanente afin de permettre aux touristes de découvrir ce joyau de la guerre froide ainsi qu’une exposition mêlant subtilement l’histoire moderne de l’Albanie et l’Art.
Bunk’Art 1 un Bunker devenu musée à Tirana
Construite dans le plus grand secret entre 1972 et 1978, cette méga structure faisait partie du programme de “bunkerisation” du pays, qui vit l’édification de plus de 750 000 bunkers d’après les rumeurs, 175 000 d’après le gouvernement entre 1967 et 1985. La radicalisation du régime dictatorial, après la fin des amitiés albano-soviétique et sino-albanaise, conduisit à l’isolation totale de l’Albanie mais également à la militarisation du territoire pour se protéger des pays limitrophes mais également des grandes puissances comme les USA.

Ce bunker géant est une de ces structures spéciales commandées par le régime pour protéger la nomenklatura, l’élite du régime, en cas d’attaque nucléaire. Situé au nord-ouest de Tirana, dans une zone militaire, creusé à 100 mètres sous la montagne, ce “refuge de luxe” couvre 2685 m² et est composé de 106 pièces réparties sur 5 niveaux. Cette idée extravagante a été commanditée par Enver Hoxha après sa visite en 1964 en Corée du Nord.

L’exposition historique de Bunk’Art se présente sous forme thématique et chronologique. Chaque thème est associé a une couleur afin de ne pas se perdre dans les grands chapitres de l’histoire moderne de l’Albanie. Débutant avec l’occupation italienne en 1939, en passant par la résistance et la diplomatie pendant la seconde guerre mondiale, elle se prolonge jusqu’à la fin de la dictature en 1991. Les photographies, films, objets et documents confidentiels de l’époque apportent un éclairage sur le contexte dans lequel la dictature s’est mise en place et la construction du bunker.
A cet aspect pédagogique s’ajoute la pièce maîtresse de l’exposition, la découverte des espaces privés qui avaient été aménagés pour accueillir Enver Hoxha et son premier ministre Mehmet Shehu en cas d’attaque. Vastes chambres à coucher, bureaux spacieux, téléphones cryptés, sas de décontamination, bar-buffet et salle de 200 places pour l’Assemblée du Peuple font partie de la visite.

Outre l’intérêt historique et la maîtrise technique, ce qui frappe le visiteur, c’est l’excès de luxe apporté à cet abri qui n’a jamais servi. La contemporanéité (pour l’époque) du mobilier ainsi que le confort des salles de bain montrent les conditions de luxe dans lesquelles vivaient les dirigeants de la République Populaire d‘Albanie à une époque où la population était rongée par le rationnement de la nourriture et la misère.
Enfin symbole fort de l’exposition Bunk’Art, elle associe la créativité et la liberté d’expression au sein d’une structure qui représentait la dictature et la censure, ainsi plusieurs artistes ont été invités à s’approprier l’espace du bunker à travers plusieurs installations d’art contemporain, audios, videos, etc.

Après un parcours de deux heures rythmé par une alarme lancinante et un café à la cantine de l’époque communiste, le visiteur ressort des entrailles de la terre 38 ans plus tard et totalement désorienté. Mais pas assez pour oublier d’acheter un T shirt ou un badge en souvenir de sa visite, capitalisme oblige !
[EDIT] Depuis le 16 novembre 2016 a ouvert le projet Bunk’Art 2 en plein centre de Tirana !
Bunk’Art 2 reconstruit l’histoire du ministère albanais de l’Intérieur de 1912 à 1991 et révèle les secrets de “Sigurimi”, la police politique qui était l’arme de persécution utilisée par le régime d’Enver Hoxha. Bunk’Art 2 est consacrée aux victimes de la terreur communiste.

Ce bunker, au nom de code “Objekti Shtylla”, comprend 24 chambres, un appartement réservé au ministre de l’Intérieur et un grand hall dédié aux communications. Comme beaucoup d’autres bunkers de cette taille, celui-ci a également été construit pour résister à une éventuelle attaque chimique et nucléaire.
En réalité, le bunker n’a jamais été utilisé, même pas pour des entraînements. Le Premier ministre Mehmet Shehu, ainsi que le dictateur Enver Hoxha, qui a ordonné sa construction, ne l’ont jamais vue terminé car ils sont tous deux morts avant la fin de la construction du bunker. L’entrée et la sortie du bunker n’ont été construites que récemment, car sur le projet initial, l’entrée dans le tunnel n’était possible que depuis le ministère.
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