Que fait-on lorsque on enchaîne les crises d’angoisses ? Ivana Mladenović vous répondra qu’on les met tout simplement en scène, qu’on les filme et qu’on en fait une comédie douce-amère. Les réalisatrices ingénieuses et de talent sont mises à l’honneur avec Arte Kino, et pour preuve, le pétillant “Ivana the terrible“.
Un projet original
Ivana Mladenović est une réalisatrice serbe installée en Roumanie. Pourquoi vous préciser cela ? Pas simplement pour s’amuser à retracer la biographie de la cinéaste, mais parce que cette dernière se met elle-même en scène et qu’elle est son propre personnage principal.
A l’origine du film, Ivana Mladenović (la réalisatrice, donc) invite ses amis, sa famille et ses anciens amants à venir, au bord du Danube à revivre des événements vécus, en tant que personnages de fiction, devant la caméra. Tous les « acteurs » ont répété pendant des mois leur propre personnage, sous la forme de rôles. Ivana Mladenović avait même prévu des dialogues.
Ce processus qui était donc au départ une thérapie pour soigner une crise existentielle toute personnelle (qui se ressent à l’écran) s’est transformée en une petite comédie fraîche : en répétant un drame, Ivana Mladenović exorcise son propre passé.
Femmes au bord de la crise de nerf
Le film donne donc à voir Ivana, une actrice roumaine qui rentre passer l’été chez ses parents dans sa petite ville natale de Kladovo en Serbie. Toute la crise personnelle d’Ivana s’incarne dans les problèmes de santé qui l’affectent : à peine arrivée dans son petit village natal qu’elle fait une crise d’angoisse, persuadée qu’elle ne peut pas respirer. Ses vieux parents sont plus amusés qu’inquiets. Ivana a pourtant l’impression qu’on lui appuie sur la gorge et qu’elle peut, à tout moment, mourir étouffée.
Les coups d’éclats entre Ivana, sa mère, sa grand-mère sont des moments particulièrement forts du film : elles se disputent sans cesse. Pourtant, c’est une sororité et un soutien féminin inébranlable qu’Ivana Mladenović met bel et bien en évidence. Ces trois générations de femmes au caractère bien trempé en feraient pâlir de peur Ivan le Terrible.
A part ses innombrables rendez-vous chez des médecins pour se rassurer, il n’y pas beaucoup de choses à faire dans le petit village serbe de son enfance. Comme pour tromper l’ennui, Ivana accepte à contrecœur la proposition du maire de devenir l’égérie du festival de musique local qui célèbre l’amitié roumano-serbe.
Ni roumaine, ni serbe, mais libre
Ivana ne se sent pas chez elle, que ce soit en Roumanie ou de l’autre côté du Danube, en Serbie. Ce détachement se symbolise notamment lors du festival qui est censé célébrer l’amitié roumano-serbe ; Ivana y assiste de manière furtive, se pliant à l’exercice, mais elle ne semble ne faire qu’acte de présence.
Elle choisira par ailleurs de s’éclipser rapidement avec un couple d’amis arrivés directement de Bucarest, dont fait partie Anca Pop, chanteuse roumaine décédée dans un accident de voiture quelques mois seulement après la fin du tournage. Personnages hauts en couleurs, ils donnent au film un côté très pop : lui, porte des pantalons larges, a les cheveux longs et symbolise à lui tout seul le mot « exubérance ». Elle, pin-up d’un autre temps se pavane, à raison, dans de longues robes ajourées.
Le film est ponctué des rencontres secrètes d’Ivana avec un très jeune homme du village. Leurs 13 ans d’écarts ne les empêchent pas de se retrouver chez la grand-mère du garçon, Ivana redevenant une adolescente éperdue.
Le personnage qu’incarne Ivana (même si, vous l’aurez compris, c’est la véritable personne qu’est Ivana Mladenović que l’on voit à l’écran) est un modèle de détermination. Aussi fluette qu’elle puisse apparaître, elle n’en est pas moins forte. A un peu plus de 30 ans, Ivana Mladenović incarne à la caméra une figure sûre d’elle, se moquant éperdument des commérages du village à propos de sa relation secrète.
Libre de ses choix, d’aller et venir entre la Roumanie et la Serbie, Ivana Mladenović filme un auto-portait avec une grande justesse de ton.
Sans aucune prétention, Ivana the terrible saura très probablement vous emporter aux bords du Danube, dans le petit monde acidulé et tendre de sa réalisatrice.
Le film fait partie de la sélection du ArteKino Festival.
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