Depuis 1991, le Monténégro affiche son attachement à la nature jusque dans sa constitution. Mais pour attirer des touristes et se développer, le pays construit immeubles et infrastructures à tour de bras, ce qui engendre la destruction d’une partie de son écosystème.
« La protection de l’environnement au Monténégro ? C’est une succession de mots, rien d’autre », tranche d’emblée Zenepa Lika.
La directrice de l’association environnementale The Dr Martin Schneider-Jacoby, basée dans le pays des Balkans, estime que son pays n’a « aucun comportement écologique. » Et le classement des Etats les moins écologiques de l’Atlas sociologique mondial confirme ses dires.
Sur son site, il attribue une note aux différents pays du monde en fonction de la pression qu’ils exercent sur les ressources naturelles, afin de répondre aux besoins de leurs populations ou de leurs activités tout en absorbant les déchets que cela génère. Cet indicateur, exprimé en hectares globaux par habitant, attribue la note de 3,4 au Monténégro, ce qui le place à la 76eme place des Etats les moins respectueux de l’environnement. Le Qatar étant en tête avec 15,7 hectares globaux par habitant et l’Erythrée en bas du classement avec 0,5. Selon l’Atlas, cet indicateur devrait être égale à 1 par personne pour ne pas épuiser les ressources de la planète.
Son crédo : la beauté sauvage
Pourtant, dans sa constitution datant de 1991, le Monténégro (600 000 habitants) s’est proclamé « Etat écologique. » Il serait d’ailleurs le seul au monde à l’avoir fait.
Pour attirer des touristes et soigner son image, le territoire, aussi grand que la région Nord pas de Calais, met en avant son attachement à la nature. Son crédo : la beauté sauvage. Notamment permise par son relief, qui a, jusqu’ici, limité la construction d’habitations et d’infrastructures.
Sur le site de l’office de tourisme national, les visiteurs sont d’ailleurs accueillis ainsi : « Bienvenue dans un monde où nature et humanité cohabitent dans une parfaite harmonie. » Le pays joue en effet la carte du tourisme responsable et souhaite attirer des entreprises pionnières dans ce domaine grâce à ses « montagnes escarpées et ses lacs clairs. »

Sur la côte, on découvre pourtant un paysage tout à fait différent. Le littoral de Budva, au sud, a été totalement défiguré, ne laissant qu’un confetti de ville ancienne. Sur ces quelques kilomètres de côte adriatique, boursouflés de complexes hôteliers et de gratte-ciels, s’étendent des plages bondées et quasi-entièrement privatisées.
Même constat à Herceg Novi, à l’entrée des gorges de Kotor. Cette baie grandiose, encerclée par des sommets allant jusqu’à plus de 2000 mètres d’altitude, est l’endroit le plus touristiques du pays. L’été, elle voit affluer yachts, paquebots et bateaux à moteur, à longueur de journée.
De l’autre côté des gorges, la péninsule de Luštica est, elle, encore épargnée. Mais elle ne devrait pas tarder à subir le même sort que ses voisines. Depuis 2013, une ville nouvelle est en effet en construction au nord-ouest. Un projet à 1,1 milliard d’euros, qui devrait compter jusqu’à 500 villas, 1 000 appartements, 7 hôtels, un golf et deux marinas, pour une clientèle luxueuse. Le tout dans un pays où il n’existe aucun système de recyclage des déchets.
Voilà tout le paradoxe du Monténégro, qui compte à peine 300 kilomètres de côte.
« Nous avons une nature incroyable, confirme Zenepa Lika, directrice de l’association qui agit pour la défense de l’environnement au Monténégro. Mais la stratégie du gouvernement est de miser sur le tourisme pour se développer. »
Le secteur est en effet le premier pôle économique du Monténégro. Il génère directement près de 12 % du PIB et jusqu’à 22 % indirectement.
« Le lobby de la construction est extrêmement puissant »
Pour attirer toujours plus de touristes, le pays met donc le paquet sur la construction d’infrastructures. Car selon Zenepa Lika « le lobby de la construction est extrêmement puissant. » Le secteur est d’ailleurs le second pôle économique du pays.
Une stratégie de développement qui ne serait donc pas totalement compatible avec les engagements pris en matière d’écologie.

« En 30 ans, rien n’a été fait pour préserver les ressources, s’indigne la directrice de l’association environnementale. La politique en matière de construction va à l’encontre de la constitution et engendre notamment la déforestation et la destruction des ressources naturelles. »
Récemment, le pays s’est par exemple lancé dans la construction d’une vaste autoroute, ayant détruit, sur près de 7 kilomètres, le lit de la rivière Tara, au nord du pays.
Sur la côte, la ville de Kotor, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, a d’ailleurs été mise en garde par l’organisme pour son développement immobilier « hors de contrôle », menaçant le principal attrait de la cité, à savoir son « harmonie avec l’environnement ». L’organisation des Nations unies l’aurait même menacée en 2016 de la retirer de la liste du Patrimoine mondial.
« Le Monténégro deviendra véritablement un Etat écologique »
De son côté, le gouvernement admet être conscient du problème.
En mars dernier, il assurait sur son site que « le Monténégro allait, véritablement, devenir un Etat écologique, et pas seulement sur le papier. » Le ministre de l’écologie, de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, Ratko Mitrović, souligne d’ailleurs que, par le passé, des « mesures d’urgence d’assainissement ont, par exemple, été prises afin d’éviter le rejet d’eaux usées d’une centrale thermique. Et que 73 interdictions de construction ont été délivrées », sans préciser depuis quand. Avant d’ajouter que « l’adoption de plans, ayant été élaborés illégalement ou ayant un impact nocif sur l’environnement a été suspendu. »
Pour Jana Joksimovic, originaire de Serbie et étudiante en écologie, les choses s’amélioreraient en effet. « Auparavant, dans le village de Perast, – classé lui aussi au patrimoine mondial de l’Unesco et situé dans les gorges de Kotor – les canalisations étaient directement déversées dans la mer, mais ce n’est plus le cas », assure celle qui passe chaque année ses vacances d’été sur la côte monténégrine. Et même si le recyclage des déchets n’est pas au point, « on voit que le Monténégro fait des efforts », estime-t-elle.
La militante écologiste Zenepa Lika, reste toutefois sceptique. « La priorité du pays est actuellement de sortir de la crise. Et pour cela, il mise sur le tourisme de masse et la construction. »
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.