Coup de projecteur sur le pianiste croate Matija Dedić qui publie un magnifique disque dans lequel il reprend les meilleurs morceaux de la star croate Gibonni.
Chaque sortie de la maison Croatia Records est à scruter avec attention tant ses sorties permettent de prendre le pouls de la scène croate actuelle. Et dernièrement un petit bijou est venu me titiller les oreilles et m’a touché à plus d’un titre. Ce petit bijou c’est le pianiste croate Matija Dedić qui nous l’offre, avec un album en piano solo dans lequel il réarrange les meilleurs morceaux de son compatriote Zlatan Stipišić Gibonni.
Gibonni est une véritable star de la variété croate depuis plusieurs dizaines d’années avec des tubes en cascade. Nombre de chanteurs croates ont un jour repris l’un de ses titres sur scène. Depuis que j’ai entendu pour la première fois l’album Mirakul, sorti il y a près de 20 ans avec le batteur Manu Katché, j’ai toujours écouté avec plaisir chaque nouvel album. Alors c’est forcément avec une oreille attentive que je me suis plongé dans les 41 minutes de ce disque signé Matija Dedić et je peux dire que c’est franchement une très grande réussite.
Le talent de Matija Dedić n’est plus à prouver en Croatie ni même plus généralement en Europe où il se produit depuis de nombreuses années (on l’a notamment vu au Festival Jazzycolors en 2013 où il avait livré un concert en solo à l’Institut Hongrois). Pianiste virtuose formé au jazz à Graz en Autriche, il est le fils d’Arsen Dedić (décédé en 2015) et de Gabi Novak, deux artistes très populaires en Croatie.
Matija Dedić doit sa carrière à son talent de compositeur autant qu’à son talent d’improvisateur chevronné. En parallèle de se ses albums de compositions, il prend un malin plaisir à reprendre les morceaux des autres pour leur donner une nouvelle vie, pianistique cette fois, comme avec les chansons de son père (“Drugi Pogled“, 2005). Et bien lui en a pris lorsque l’on voit le nombre de récompenses attribuées à Matija Dedić.
Après avoir sorti un album en trio il y a un an avec deux grands musiciens français, le batteur Manu Katché et le contrebassiste Thomas Brameries, Matija Dedić récidive en solo en cette fin avril 2020 avec “Tajna vještina – Glazba Zlatana Stipišića Gibonnija“. C’est son second album consacré aux morceaux de Gibonni, faisant suite à “Tempera” en 2002 qui lui a valu un Porin Award du meilleur album de jazz.
Si dans “Tempera” il s’était entouré d’un quartet, Matija Dedić a décidé d’aller encore plus loin dans son exploration du répertoire de Gibonni en s’aventurant cette fois sur la piste périlleuse du piano solo. Mais Dedić a cette forte expérience du jazz qui lui permet d’improviser et d’imposer sa personnalité tout en conservant l’essence même des morceaux de Gibonni, leurs mélodies si indissociables des versions originales.
Matija Dedić propose des variations qui ne sont pas sans rappeler des artistes comme Brad Meldhau, ou encore Keith Jarret dans une moindre mesure. Sans tomber dans le jazz pur, Matija Dedić nous offre une sublime façon de redécouvrir complètement des chansons cultes comme “Divji Cvit” ou “Žeđam” où l’émotion est le maître mot. On y retrouve également “Cesarica“, un morceau que Gibonni avait écrit pour Oliver Dragojević, qui nous permet d’avoir une pensée émue pour cet emblématique artiste croate disparu il y a presque deux ans.
Matija Dedić a réussi avec brio cet exercice difficile de nous toucher par la justesse et la virtuosité de son interprétation, sans artifices, avec ses seules notes de piano pour nous transporter. Un grand disque.
Matija Dedić, à découvrir en exclusivité sur Deezer
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