Rendons-nous aujourd’hui en Croatie, sur les bords du Danube, plus précisément à Vukovar. La ville est tristement célèbre en effet pour avoir été l’un des principaux théâtres du conflit Serbo-Croate qui s’est étalé de 1991 à 1995. 25 ans plus tard, que reste-t-il de la ville et de son esprit ?
Pendant des années j’ai pris le train pour aller travailler à Nantes. A l’entrée en gare, sur le mur qui longe le quai, en lettres grasses et colorées s’étalait « Rennes. » Cette plaisanterie me faisait sourire. Lorsque j’ai traversé Vukovar en Croatie pour la première fois, j’ai été surprise du nombre de graffitis qui indiquait « Vukovar ». La ville affirmait son identité à elle-même.
J’en ai parlé à Jérôme Cid, mon collègue de Hajde et photographe. Nous connaissions tous les deux l’histoire de cette ville martyr. Durant l’époque yougoslave, Vukovar bénéficiait d’une économie radieuse, grâce à ses rives fluviales la reliant à Zagreb et Belgrade. L’usine Borovo employait des milliers de personnes, la ville était multi-ethnique et multi-culturelle.
Dans les années 1990, cette situation s’est retournée contre la ville et en a fait un des points névralgiques du conflit serbo-croate. Vukovar a subi trois mois de sièges en 1991 quand les serbes et les yougoslaves ont revendiqué la ville. Puis un siège de nouveau en 1995 lorsque les croates l’ont récupéré. Cette époque l’a laissée rasée et exsangue. Des milliers de civils sont morts et les masses de réfugiés, croates ou serbes selon les victoires, ont fait la une des journaux.
Être de Vukovar et vouloir le dire au reste de la Croatie, au reste de l’Europe, nous paraît compréhensible. Mais pourquoi vouloir se le dire à soi-même ? Une expression de résilience, comme ces vétérans qui parfois en thérapie répètent leurs prénoms en boucle pour ne plus être un numéro militaire ? Un devoir de mémoire, afin de ne jamais oublier ? Une expression identitaire complexe face au reste de la Croatie ? L’envie nous est venue d’aller explorer cette question directement sur place.
Une mise en scène de la mémoire
Samedi après-midi, mois de mars. Le silence s’étale dans les rues désertes. Le froid hivernal y est pour beaucoup, le modèle d’Europe centrale où les magasins sont fermés l’après-midi également. Mais les panneaux de liquidation qui pullulent sur les vitrines attestent également d’une ville qui se meurt.
Parce que le passé de Vukovar s’imprègne dans son présent, il nous paraît nécessaire de commencer ce reportage par une visite de mémorial. Vukovar est la ville de Croatie qui compte le plus de mémoriaux dédiés à la guerre de Yougoslavie. Notre choix se porte sur l’hôpital. Dans ses sous-sols un mémorial à été érigé en hommage aux victimes du massacre de Vukovar. En novembre 1991, l’horreur de la guerre culmine. 266 civils sont enlevés par les milices serbes et yougoslaves et froidement exécutés dans le champ d’Ovcara, à quelques kilomètres au nord de la ville. Dans le long couloir qui les a menés à leur mort, des plaques s’érigent à leurs noms.
Un trou d’obus au plafond, quelques grillages pendent, stigmate des bombardements. L’hôpital a été reconstruit et est en fonction. Quelques infirmiers passent, les bras chargés de matériel. Si on peut entendre les éclats de voix au-dessus, ils ne prononcent pas un mot dans le passage.
Le seul son est celui des victimes qu’un haut-parleur égraine en boucle. Cet espace pèse-t-il sur la santé mentale des employés ? Notre guide évacue la question d’un revers de la main. Il faut se souvenir.
Nos promenades à Vukovar ne peuvent pas nous laisser ignorer ce qu’a vécu cette ville. Les affichages publicitaires tranchent étrangement avec des murs criblés d’impacts de balles. Une ancienne publicité dérangerait moins, vestige d’une époque révolue.
Dans un quartier paisible, une école maternelle où le plâtre se dispute la place avec des stigmates de mitraillettes et d’obus. L’école est toujours active. Une ville se vit dans le regard qu’on y porte au quotidien, dans les lieux qui s’ancrent dans nos souvenirs. Les enfants de cette école n’ont pas connu la guerre, leurs parents eux-mêmes peut-être. Le temps semble traverser la ville sans s’y arrêter.
Au détour du grand boulevard qui traverse la ville, une fresque gigantesque illustrant le deuil des mères de Vukovar s’affiche sur une façade. Les murs semblent vouloir crier « ma souffrance, ma ville. » Quelques passants traversent sans un regard sur la fresque. A qui s’adresse cette image ? Aux voitures de passage ? Aux habitants de la ville ? Ou à la ville elle-même dans un mouvement anthropomorphique ?
https://hajde.fr/inspirations/incontournables/les-9-plus-belles-iles-de-croatie/
Vukowar, et l’impossible réconciliation
Vukovar, Vukovar dans mon cœur, Vukowar, dans un étrange jeu de mot. Des esquisses de châteaux d’eaux. Le château d’eau de Vukovar est un symbole de la résistance. Les croates allaient y planter le drapeau la nuit et les bombardiers yougoslaves s’acharnaient dessus au matin. Graffitis identificatoires. Je suis d’ici. Mais graffitis identitaires également, quand le nom de la ville est suivi d’une attaque haineuse envers une ethnicité.
Dans le kiosque où j’achète mes cigarettes, des tee-shirts « Remembrance 1991 » se disputent la vedette avec des miniatures de châteaux d’eaux détruits. Entre la mémoire et la mise en scène du patrimoine, une limite fine se dessine.
Charles Tauber, fondateur de l’ONG Coalition for Work with Psychotrauma and Peace, nous rejoint dans un café. Pour Charles, la mémoire à Vukovar est enkystée. Les écoles sont séparées. Les cafés sont séparés. « C’est insidieux. Ce n’est pas écrit café serbe ou croate mais vous le savez, à cause de la musique qui est jouée. Jusqu’aux cimetières qui ne sont pas religieux mais serbes ou croates. » Une mémoire enkystée devient aliénante. Si on vous impose votre ethnicité, la défense classique devient alors d’en faire une revendication identitaire. D’ailleurs à Vukovar, la mémoire est également dichotomique, car il y a une multitude de minorités ethniques que l’histoire et la politique oublie.
Les roms, les hongrois, les russes, les ruthènes… « Alors il peut y avoir un mouvement identitaire qui se concentre sur la ville, sur le lieu. Moi aussi je suis de Vukovar ! Nous aussi nous avons mal ! J’ai le droit d’écrire son nom sur les murs ! »
Tous les enfants croates doivent venir visiter Vukovar. Les personnes âgées viennent en groupe aussi, des visites sont organisées par des associations politiques. « Les châteaux d’eaux miniatures, les tee-shirts etc. se sont surtout pour eux. Il faut leur donner la ville martyr qu’ils attendent. » En tant que spécialiste des processus de réconciliation, Charles pense qu’une des grandes difficultés pour la résilience à Vukovar est que la ville subit un système top down. « La plupart des actions concernant le devoir de mémoire viennent du gouvernement et non des locaux. Vukovar, ville martyr de la guerre patriotique. »
Ce devoir de mémoire s’articule sur l’identité croate, nonobstant le fait que les civils ont été tués par milliers en indifférence à leur ethnicité et que l’exil forcé de masses de réfugiés a été provoqué des deux côtés, selon les victoires. Charles nous parle d’un camp de concentration où des milliers de serbes ont été exterminés durant la seconde guerre mondiale par les Oustachis, ce mouvement croate fascisant. Le centre a été réhabilité en lieu culturel. « Je ne suis pas contre la réhabilitation des lieux. Sinon l’Europe entière serait un musée ! rit-il. Mais lorsque la mémoire est instrumentalisée, le devoir de mémoire peut s’exacerber en devoir de vengeance. »
Devant le café, un jeune homme attend son bus. Il arrache minutieusement un sticker placardé à la sauvage où est inscrit « Vukovar / Вуковар nije isto » . A comprendre, Vukovar en alphabet latin ou en alphabet cyrillique, ce n’est pas la même ville. En Croatie, une loi stipule que si une minorité a plus de 30% de citoyens dans une ville, elle a le droit d’avoir des écrits officiels dans sa langue. A Vukovar l’instauration de cette loi a fait éclater un véritable scandale et des cars de nationalistes sont descendus de toute la Croatie pour détruire les plaques officielles.
Nous en parlons le soir avec notre aubergiste. Il est croate, il était jeune durant la guerre. « Enfin, à cette époque, je pensais que j’étais yougoslave. C’est au début de la guerre que j’ai compris qu’apparemment j’étais croate. » Il ne s’en cache pas, il ne porte pas les serbes dans son cœur. « Mais ce n’est plus la question. Les minorités sont là, on doit travailler ensemble. Et puis surtout c’est quasiment la même langue ! Le reste de l’Europe se moque bien des gens qui parlent croates. Mais parler croate, serbe, bosniaque, monténégrin…On n’est pas des pays riches, il faut qu’on utilise nos avantages. »
La langue est un butin de guerre disait l’intellectuel algérien Kateb Yassine. La langue croate est dans cette difficile articulation entre une identité nationale post guerre nécessaire et une slavophonie qui pourrait la porter. Une langue commune permet un rayonnement géographique et culturel, des politiques partenariales universitaires, économiques. Dans des pays à l’économie fragile, la langue offre une mobilité professionnelle.
Une troisième identité ?
Au printemps, nous sommes invités à Osijek, la plus grande ville de la région, à quarante kilomètres de Vukovar. Nikica Torbica, chercheur sur les processus de réconciliation et professeur d’histoire nous invite à une journée pédagogique sur l’identité dans un établissement scolaire. Des jeunes lycéens, fatigués de ces tensions ethniques, ont mené une action de recouvrement des tags, entre jeux de mots, équipe de foot et dessins abstraits.
Partir le matin et voir s’étaler sur les trottoirs qui mènent au lycée « tuez-les tous » est agressif. Une jeune nous montre certains tags qui l’irritent spécialement. Morts aux oustachis. Pendez les tchétchènes. Tuez les partisans. Ce sont des références politiques vieilles de la seconde guerre mondiale. Comme elle le dit si bien : ils sont morts ! Effectivement, on peut imaginer indignation politique plus contemporaine.
Nikica est fier de l’action que ces jeunes ont menée eux-mêmes. Il souhaite mener ce genre d’initiative à Vukovar. « L’initiative demande un encadrement minimum, à travers la réflexion qu’on déclenche en atelier débat sur les identités narratives. » L’identité narrative résulte de l’imbrication de nos histoires individuelles et des récits nationaux. Or l’identité narrative adolescente est censé se construire dans la projection et non dans l’introjection des générations précédentes.
Il s’agit donc de soutenir les jeunes vers des convergences. « Nous essayons de favoriser l’émergence d’une troisième voie, en deçà des identités ethniques. Identité adolescente se projetant professionnellement ou amoureusement, identité européenne ou écologique…»
Des collégiens présentent des danses traditionnelles ou des poèmes venant de toutes les minorités de la région. Pendant que leurs camarades passent, certains discutent avec nous. Ils nous posent des questions sur la France, ils nous demandent où on vit. On leur répond que depuis quelques années, on vit en Serbie.
– T’as pensé quoi des serbes la première fois ? me demande un garçon.
– Qu’ils étaient vraiment grands.
Ça les fait rire. Ils sont curieux de savoir si c’est vrai que les serbes mangent les mêmes spécialités qu’eux, est-ce que leur architecture est pareil.
– C’est vrai qu’ils parlent la même langue que nous ? questionne le même garçon.
Cette idée a l’air de le laisser perplexe.
– Ils sont racistes avec vous, les serbes ? nous demande une petite fille.
– Ils sont plutôt surpris que des français veuillent vivre là-bas.
On sent leur professeur se crisper. Mais il est nécessaire dans une perspective de réconciliation d’explorer les préjugés et la peur.
« Il faut répondre à des questions comme ça, justement. affirme Nikica. Il faut les décortiquer. Déjà, c’est une question. Fût un temps ça aurait été une affirmation ! » s’amuse-t-il.
Nikica aimerait créer des jumelages avec des villes de l’union européenne mais aussi des Balkans. « Bien sûr qu’il faut créer des filières d’études Osijek-Munich, par exemple. Mais dans la logique de mobilité européenne, il faut aussi travailler avec les pays proches, avec les langues proches. On ne peut pas rester dans une telle tension frontalière. Même pour les autres pays. La réconciliation n’a pas de sens sans aller vers l’autre. » Quand vous êtes à Vukovar, vous vous posez prendre en café sur les rives du Danube. A quelques mouvements de brasse, c’est la Serbie. C’est fou.
Grandir à Vukovar
Dans le nord de la ville, derrière un terrain vague, se trouve les locaux de l’ONG Youth Peace Group for Danube. Elle propose des activités culturelles pour les jeunes de la ville. Saša, son fondateur, est un homme rieur. Il nous accueille avec un verre de Rakija fait maison. Pour lui aussi la réconciliation doit sortir du discours des politiques et passer par des activités concrètes.
« Mais, plaisante-t-il, le système de subvention européen n’aide pas toujours. Il faut remplir des quotas ethniques. C’est stupide ! Si je n’ai que des roms ou que des croates qui veulent faire une activité, ça ne retire pas son importance à l’activité ! Et puis si j’ai déjà 5 serbes, je dis quoi au sixième qui veut s’inscrire ? Non désolé, tu dois laisser la place à un croate. Rien de mieux pour exacerber des tensions ! »
Luka et Andrija , deux jeunes, profitent de l’après-midi ensoleillé pour prendre un café au centre. Luka a créé un groupe de musique à l’ONG. « Je veux juste être avec des types qui aiment la même musique. En ville, les bars séparés n’aident pas. Ce n’est pas que je ne veux pas aller dans un bar serbe. C’est juste qu’on n’y va pas. On n’a jamais pris cette habitude. » L’image est compréhensible. Dans nos villes aussi, on traîne souvent dans les mêmes endroits.
« S’il y avait des concerts par exemple, pourquoi pas. Mais il ne se passe quasiment jamais rien. Mais du coup par exemple, je vais rencontrer quasiment que des filles croates. » S’il n’est insidieusement pas permis à la jeunesse de mixité dans la rencontre amoureuse, les divisions perdureront dans les lignées familiales et la politique des quotas gardera de son impact.
En se resservant un verre, Andrija plaisante. « Si je bois un peu trop et que je deviens con, si je me bats avec quelqu’un ce soir, vous pouvez être sûr de lire dans les faits divers demain que c’était à cause d’une tension ethnique ! J’en découvrirai la raison moi-même ! »
Pour Saša, le problème de non mixité est dû aux lieux institutionnels fermés qui créent un clivage territorial. Depuis plusieurs années, Vukovar accueille un festival de cinéma. Les premières années le festival avait lieu sur les rives du Danube. Les gens se mêlaient, des rencontres pouvaient se créer. Maintenant le festival a été institutionalisé et se déroule en intérieur.
Il y voit beaucoup moins de mixité. Mais l’été, lorsque les jeunes vont se baigner sur une petite île du Danube au sud de Vukovar, il retrouve cette mixité. C’est pour ça qu’il est vigilant sur ses demandes de subvention. Il veut les moyens d’offrir aux jeunes des activités et du matériel mais éviter les structures d’Etat. Il préfère investir l’extérieur, où se crée vraiment la rencontre.
Beaucoup de jeunes serbes vont faire la fête à Novi Sad, en Serbie, derrière la frontière. Ils y poursuivent souvent leurs études. Beaucoup de jeunes croates vont à Osijek. Ils s’y installent souvent. Ainsi la séparation se perpétue à l’âge où la fête et l’aspiration professionnelle pourrait être une identité commune.
« Et puis, y a le boulot aussi, ajoute Saša. Ces maisons vides que vous voyiez par dizaine, ce n’est pas que la guerre. Ce sont aussi les gens qui partent parce que comment payer le loyer ? » Pour travailler dans ces villes et rester à Vukovar, il faudrait une vraie politique des transports. Or à Vukovar, il n’y a plus de gare et seulement quelques bus par jours.
Mais Osijek ou Novi Sad, c’est encore pour les chanceux. L’exil contraint souvent se fait lointain. Andrija a fini le lycée depuis deux ans. Il travaille par intermittence en tant que chauffeur. Il apprend l’allemand sur son temps libre. Il compte partir sous peu. « Je ne trouve pas de travail ici. Mais ce n’est pas à cause des autres, ou de la guerre. Je n’étais pas né pendant la guerre. C’est à cause de la misère. Mais ça, nos politiques s’en foutent. »
L’exil massif
Vladimir est un petit employeur, fier de sa structure. Il est rédacteur en chef à Radio Dunav, une radio locale qui diffuse dans toute la région à partir de Vukovar. Il dirige une équipe de 7 personnes à la radio. Il est fier de pouvoir leur permettre de vivre et d’avoir un emploi agréable mais il est conscient qu’ils sont privilégiés. « J’aimerai qu’on ait plus d’emploi à offrir. Pour les jeunes et pour la ville. Quand je refuse une candidature, je me dis cette personne va s’en aller à l’ouest… »
Le manque d’opportunité pousse les jeunes à partir en masse à l’ouest. Ces jeunes migrent sans nécessairement s’être renseigné sur le pays de départ ni avoir suivi de formation universitaire. Arrivés à l’ouest, ils découvrent que la jeunesse locale aussi s’en sort difficilement. Ils enchaînent les boulots précaires. Ils reviennent parfois, dépités. Vladimir suit ces récits de vie grâce aux témoignages des auditeurs sur ses radios libres. « Mais ce ne sont pas les jeunes qui nous racontent ça. Ce sont souvent les personnes âgées qui appellent. Elles sont seules, elles s’ennuient. Elles racontent les histoires de leurs petits-enfants à l’antenne, ça les attriste. »
Le choc identitaire à l’ouest peut également être difficile. Vladimir l’a constaté dans son entourage personnel. « J’ai des amis qui me disent qu’ils arrivent en Allemagne, en Irlande, en Autriche, qui disent je suis de Vukovar et les gens ne réagissent pas. Ca n’évoque rien à personne. Mais quand je rédige les informations internationales pour l’antenne et que je réalise tout ce qu’il se passe en Europe… Les gens se moquent de notre guerre vieille de 25 ans ! Pour nous, c’est douloureux à admettre. »
Pour Vladimir, la route du Danube peut être une opportunité pour relancer une petite économie locale. La ville est traversée par des centaines de touristes européens chaque été, en vélo ou en croisière. Elle doit jouer sur ses atouts. Grâce à ses émissions de radio locale, il voit deux angles : le tourisme archéologique, grâce aux traces d’une des plus vieilles civilisations d’Europe découverte récemment. Et la nature. « Il faut apprendre à nos jeunes à travailler la terre, le miel, la distillerie… »
Il y a à Vukovar, dans la région de la Slavonie, les sols et le climat nécessaire à une florissante agriculture biologique. Mais il n’y a plus grand monde pour reprendre ou lancer une exploitation. « Les gens ironisent. Les quotas ethniques ne servent à rien. Vukovar ne sera pas à ceux qui font le plus de gosses mais à celui qui mourra le dernier ! »
Nous prenons un dernier café, avant le bus du départ. Au printemps, la ville s’anime doucement. Les terrasses ensoleillées restent néanmoins clairsemées. Une manifestation militaire a lieu dans les rues. Le thème « Un champion pour la Croatie ». Le trophée, un petit château d’eau. Si les minorités ne viennent pas, on leur reprochera. Si elles viennent, on le prendra comme une provocation. A Vukovar, il faut toujours s’affirmer in fine pour ou contre la Croatie.
Les enfants ont l’air impressionnés par les armes. Les vieux écrasent leurs mégots sans sourciller. Un homme mange une glace, un tee-shirt remembrance 1991 sur le dos.
Les camions et les tanks traversent la ville. L’image est étrange. Les armements et les véhicules militaires ne m’ont jamais mise à l’aise. On se sent trop petit, face à eux. Mais ce n’est pas un défilé. Pour des jeunes sans perspectives, l’armée reste souvent le seul employeur.
Sur les rives du Danube, des militaires prennent le soleil. En face, assis sur des marches, un groupe de jeune attend patiemment qu’ils libèrent les quais pour aller boire leur pack de bière. D’un côté comme de l’autre, l’ennui est présent.