Qui n’est jamais tombé sur un clip d’une chanteuse à la plastique parfaite déclamant ses textes sur une musique pop ou dance orientalisante ? Bienvenue dans l’univers obscure du Turbo Folk ! Véritable phénomène culturel des Balkans – et en particulier en Serbie – le fameux Turbo Folk renvoie néanmoins une image pas forcément très flatteuse à l’étranger…
Du Folk au Turbo Folk
La musique traditionnelle a fait naître après la Seconde Guerre Mondiale un nouveau genre musical, la musique populaire communément appelé Folk (ou Kafanska Musika, musique chantée dans les Kafanas yougoslaves). Peu à peu cette Folk encore très empreinte de sonorités traditionnelles va donner naissance à un style hybride porté par une nouvelle génération d’artistes dans les années 80.
Exit les instruments traditionnels et les textes forts comme la thématique guerrière et ses drames humains, place aux nouvelles technologies électroniques et à des thématiques davantage portées sur l’amour et la fête. Dans un contexte difficile de par les tensions ethniques et les guerres qui en ont découlé, les artistes ont inspiré une musique plus légère et plus moderne destinée à une jeunesse en quête de fête et de renouveau.
Une musique influencée par la culture pop occidentale du moment, mais qui conserve néanmoins une touche balkanique très caractéristique pour se démarquer. Le Turbo folk est né.
Ceca à l’apogée du Turko Folk
Initié par la bosniaque Lepa Brena à la fin des années 80, la popularité du turbo folk atteint son apogée dans les années 90 grâce à la chanteuse serbe Ceca dont le mariage ultra médiatisé avec le tristement célèbre criminel de guerre serbe Arkan en 1995 lui a permis d’asseoir son image partout dans les médias et fait d’elle une véritable star qui cumule aujourd’hui plus de 10 millions de disques vendus. C’est cette même année 1995 qu’elle publie le clip de « Nije Monotonija » dans lequel elle joue avec un jeune tigre…Certains détracteurs du turbo folk y voient alors un clin d’oeil de mauvais goût à son mari Arkan qui dirigeait alors une milice paramilitaire baptisée « Les Tigres d’Arkan »…
Mais malgré cela la jeunesse identifie très vite cette nouvelle forme musicale et ses nouveaux codes. Plus qu’une musique, le turbo folk devient une culture. Devant l’intérêt de la jeunesse, d’autres artistes emblématiques – comme Dara Budamara ou Dragana Mirkovic – s’en sont très vite emparés pour imposer encore davantage le turbo folk dans la culture serbe d’après guerre.
D’ailleurs aujourd’hui le label créé dans les années 90 par Lepa Brena, Grand Production, est devenu le plus gros producteur de turbo folk.
Le Turbo Folk d’aujourd’hui
Aujourd’hui le Turbo Folk s’est largement ouvert sur de nouvelles inspirations venues par exemple du rock ou de l’urban music. On découvre alors une vraie diversité d’artistes aux styles propres à chacun mais qui gardent toujours cet esprit typique du Turbo Folk. Citons par exemple Ana Nikolic, Seka Aleksic, Aca Lukas, Darko Lazic, Mile Kitic et tant d’autres dont les clips cumulent des dizaines de millions de vues…
Le Turbo Folk répondant originellement à des caractéristiques et à une époque définies, la frontière est aujourd’hui devenue mince avec les productions actuelles parfois davantage tournées vers la pop ou la variété tout en gardant des sonorités typiques des Balkans sans pour autant être qualifiées de Turbo Folk.
Une image écornée
L’avènement d’Internet dès les années 2000 a propulsé les artistes Turbo Folk dans une autre dimension, celle du clip 2.0 qui devient un canal de promotion de premier plan avec des productions de plus en plus travaillées. Mais le Turbo Folk souffre d’une image décriée – même en Serbie où elle a ses détracteurs – car elle renvoie, notamment par ses clips, à une musique trop commerciale et superficielle mettant en scène trop de sentimentalité, de vulgarité et de clichés sur les femmes, l’argent, le glamour, la fête ou le luxe extravagant voire même les armes.
Malgré cette image en demi teinte, le Turbo Folk n’en est pas moins un élément majeur de l’identité culturelle balkanique et continue de peser extrêmement lourd dans l’industrie musicale de la région.