Interview d’Andreea Iager Tako et de Norbert Tako, initiateurs de l’espace « Ambasada », une ancienne fabrique de chapeaux transformée en incubateur culturel et social à Timisoara en Roumanie.
Bonjour, vous venez de célébrer il y a une semaine le premier anniversaire d’ « Ambasada ». Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le concept de ce lieu ? Quel a été le point de départ du projet ?
Le concept d’« Ambasada » est né après la première édition de « Plai ». « Plai » est un festival de musique dont le nom signifie « mon pays, mon territoire ». L’idée était de permettre à différentes personnes qui font des choses avec passion de se rencontrer.
Un leitmotiv revenait souvent « Rien ne se passe à Timisoara ! ». Beaucoup se sentaient désœuvrés, il flottait un sentiment de frustration. De notre point de vue, si quelque chose ne marche pas, il faut d’abord essayer de trouver une solution et ensuite peut-être se plaindre.
Nous voulions un festival qui célèbre la diversité sous toutes ses formes, en partant de la musique du monde. L’idée était de faire se retrouver, se rencontrer celles et ceux qui ont une passion et de prouver ainsi que la routine d’aller chaque jour travailler et de se plaindre ne conduit à rien.
À partir du moment où vous êtes convaincu de votre passion et que vous commencez à vous y investir, que ce soit par le biais du bénévolat, d’une organisation ou de votre propre création, la vie est décidemment plus belle et vous trouvez des raisons de croire qu’un avenir meilleur est possible. Vous rencontrez d’autres personnes qui partagent votre passion, vous commencez à croire en eux.
C’est la mission d’ « Ambasada », de mettre en relations les individus, de faire se croiser les idées et de donner à penser que le changement peut se faire par l’action individuelle. Par ailleurs, toutes les personnes avec lesquelles nous avons été en contact pendant le festival avaient des problèmes communs : l’absence de salle de spectacle, l’absence de bureau. C’est pourquoi « Ambasada » dispose d’une salle de réunion et d’une salle de spectacle qui peuvent être mises à disposition gratuitement pour les ONG et l’ensemble de la communauté créative.
Le nom d’ « Ambasada- ambassade » est emblématique. Le concept est celui d’une ambassade culturelle dédiés aux artistes, aux individus qui cherchent à agir au sein de la société, à donner une couleur, un impact positif. Un endroit où vous pouvez croiser d’autres individus qui ont les mêmes aspirations et, dans l’avenir, nous souhaitons qu’ « Ambasada » puisse être un lieu qui compte, où les questions stratégiques pourraient être discutées avec les autorités. Un endroit qui permettent aux individus créatifs et entreprenants de pouvoir sentir qu’ils sont tout aussi importants que ceux qui sont issus du secteur privé.
Nous croyons vraiment que la culture, l’art et une société de bénévoles sont le moteur d’une société « en bonne santé » pour promouvoir l’égalité des droits et le développement.
Comment pourriez-vous définir votre espace ? Est-ce un incubateur culturel ? Un hub culturel ? Vous êtes vous inspirés de modèles ?
Nous faisons partie d’un projet européen qui soutient les entreprises sociales avec « Nesst Roumanie » et « Reciproc ». Ce projet nous permet d’employer aujourd’hui neuf salariés dont certains sont issus de groupes sociaux défavorisés.
Nous nous définissons comme un centre culturel indépendant, un hub créatif. C’est un incubateur culturel et social qui a pour objectif principal de mettre en relations différents individus qui peuvent ainsi démarrer ensemble des projets utiles pour toute la communauté. Nous sommes très attentifs à l’approche multidisciplinaire.
Notre espace « café » est un lieu de coworking dans la journée. Il nous semble important de pouvoir faire se rencontrer des individus qui viennent d’univers différents : des nouvelles technologies, de l’art, du secteur privé et du secteur associatif. Chacun peut apprendre de l’autre et est à même de reconnaître l’expertise de l’autre afin de construire ensemble des projets durables.
C’était cette idée qui nous trottait dans la tête avant d’avoir el courage d’ouvrir « Ambasada ». Nous n’avons rien trouvé qui ressemblait exactement à notre projet mais tout autour de nous en Europe, il y a beaucoup de centres culturels indépendants avec lesquels nous partageons les mêmes valeurs.
Nous allons bientôt devenir membre du réseau TEH (Trasn Europe Halles : European based network of cultural centres) et nous avons hâte de rencontrer d’autres personnes qui partagent les mêmes expériences et les mêmes combats. Nous sommes à notre tour devenus un modèle, de tout façon un espace de bonnes pratiques pour un groupe de jeunes artistes de Los Angeles qui veulent créer un espace comme le nôtre.
Après une année d’exercice, quels ont été les projets les plus importants que vous ayez réalisés ? Pouvez-vous nous donner deux ou trois exemples représentatifs ?
Après un an d’activité, nous sommes comblés par le nombre de personnes qui fréquentent le lieu et le nombre de projets réalisés grâce à « Ambasada » à cette forme de bureau temporaire. C’est ce que nous souhaitions. Nous avons à peine eu le temps dans notre calendrier pour faire quelque chose ! Nous nous sommes surtout concentrés sur comment générer du contenu, comment contribuer au renforcement des capacités du secteur créatif et ou du secteur associatif, sur les aspects techniques et sur la musique.
En 2015, nous avons organisé un grand événement : le concert en direct de DUB FX sous le label « POP UP Concert ». Nous poursuivons ce projet tout au long de 2016 et nous prévoyons deux autres concerts : « Sessions JAM Monster » – dédié aux musiciens locaux et le « Choc des générations » – dédié à la collaboration d’artistes jouant le même instrument, mais avec des approches différentes (ou issus de différentes générations d’une même école de musique).
Actuellement notre projet le plus important, c’est de faire d’ « Ambasada » un projet durable et pérenne avec une équipe solide qui permette à chacun de se développer. En ce moment, nous travaillons avec une équipe de neuf personnes dont six issues de milieux défavorisés.
Quels sont vos publics ? Qui sont-ils ? Pourquoi viennent-ils à Ambasada ?
Grâce à toutes les personnes qui fréquentent « Ambasada », comme nous l’espérions, le public est très varié. Certains viennent pour des événements spécifiques, d’autres viennent pour le plaisir, pour se détendre. Nous étions parmi les premiers à être un établissement totalement non-fumeur et nous en sommes très fiers. « Ambasada » est un espace différent de ceux qu’on a l’habitude de voir à Timisoara.
Une grande partie de son charme est liée à l’histoire du lieu. « Ambasada » s’est installé dans une ancienne fabrique de chapeaux PALTIM qui était renommée en Europe. C’est très important pour nous. Après la chute du communisme, de nombreuses usines ont fermé. À présent c’est une partie du patrimoine industriel qui se transforme et disparaît au profit de centres d’affaires. C’est pourquoi nous tenons tant à cet endroit qui est un témoignage du passé de Timisoara.
Qui sont vos partenaires ? Avec qui ave-vous l’habitude de travailler ?
Nous avons eu beaucoup de supporters et beaucoup de personnes qui ont soutenu le projet et qui ont contribué à la réalisation d’ « Ambasada » (l’espace a vu le jour en trois mois !). De nombreux bénévoles de différentes ONG et des artistes nous ont dit combien c’était important pour eux de pouvoir se retrouver d’échanger autour d’un café, les centres culturels locaux comme l’Institut français, le Centre culturel allemand, des entreprises locales comme « Senneville » et même des multinationales comme « Grolsch » qui participe au financement d’événements culturels, pour tous Ambasada est devenu le hub créatif de Timisoara. Nous leur devons tous ce que « Ambasada » est devenu en un an.
Quelle est la prochaine étape ? Quels sont vos projets futurs ?
Faire d’ « Ambasada » un projet durable ! Cela ne tient pas qu’à nous mais aussi à l’ensemble de la communauté ! Si c’est un bon exemple pour tous, alors il devrait y avoir d’autres « ambasada » dans d’autres villes gérées par différentes personnes.
Nous aimerions agrandir l’espace afin de pouvoir offrir une game plus importants d’événements et notamment une salle de spectacle pour les concerts, le théâtre…le mieux pour nous, ce serait de trouver l’espace dans ce complexe. C’est un développement qui nous semble naturel si tout se passe bien. Dans cette usine de chapeaux dans laquelle nous venions en visite avec notre école quand nous étions enfants.
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