Lac d’Ohrid – Il y a ces endroits que vous découvrez par hasard et qui vous enchantent tellement que plus jamais vous ne pourrez les oublier. Ohrid rentre dans cette catégorie de lieu inoubliable, par son patrimoine, sa richesse naturelle, sa quiétude et son panorama époustouflant.
Mais la caste des chanceux qui ont connu cet Ohrid pourrait bientôt ne plus connaître d’héritier. En cause ? Un projet touristique global qui menace un parc naturel et un lac exceptionnels.
Un lac d’une biodiversité unique en Europe
Le lac Ohrid, aujourd’hui frontière naturelle entre la Macédoine et l’Albanie, fut constitué lors d’un mouvement de plaques tectoniques il y a quelques millions d’années. Les études incertaines estiment que ce lac est vieux de deux à cinq millions d’années. Au-delà de ce fait historique, ce lac est avant tout connu dans la communauté scientifique car il jouit d’une biodiversité exceptionnelle en Europe et dans le monde. Le chercheur allemand Christian Albrecht de l’Université de Giessen en Allemagne, spécialiste ès biodiversité, écrivait ainsi en 2015 pour fokus.mk: « Ce lac héberge quelques 350 espèces endémiques, dont certaines ne se trouvent nulle part ailleurs au monde. Cependant, nous savons très peu concernant ce lac, et le nombre d’espèces pourrait même être plus élevé.«
Depuis des millions d’années, ce site naturel a ainsi permis à des espèces endémiques de subsister et d’évoluer à travers les différents âges que la Terre ait connus. Jouxté à ce lac unique, la région d’Ohrid bénéficie aussi d’un parc naturel nommé Galichica. Celui-ci est le terreau de plus de 5 300 différentes espèces d’animaux et de plantes, dont certaines ne sont observables qu’ici. Cet incroyable patrimoine naturel est reconnu depuis longtemps puisque l’UNESCO a inscrit la région d’Ohrid au patrimoine mondial à la fois pour ses valeurs naturelles (en 1979) et culturelles (en 1980).
Un projet touristique menace l’équilibre biologique
Car oui, en plus de cet environnement, Ohrid dispose en son sein d’un ensemble unique d’églises et de monastères dont l’église Saint Jean de Kaneo est sans doute l’emblème le plus connu, construite au XIIIe siècle sur un rocher offrant une perspective fabuleuse sur le lac et les montagnes environnantes.
Bien entendu, ces nombreux avantages ont entraîné une certaine réflexion parmi les élus, promoteurs et hommes d’affaires locaux et internationaux. Comment tirer profit de cette situation exceptionnelle en attirant plus de touristes ? Si certaines compagnies aériennes low-cost ont commencé à jouer le jeu en plaçant Ohrid parmi leurs destinations, la municipalité d’Ohrid est allée plus loin en 2015 en dévoilant un nouveau projet global de développement touristique. Sans rentrer dans les détails, il est question de pistes de ski au sein du parc naturel Galichica, d’une nouvelle route facilitant l’arrivée de touristes dégradant en partie le parc naturel, ainsi qu’une marina pour yachts et bateaux, sans oublier des complexes hôteliers au bord du lac.
Une initiative citoyenne pour contrer ce projet
Ce projet, s’il était mené à bien, aurait des conséquences désastreuses sur l’ensemble naturel d’Ohrid et bien entendu sur les espèces animales et végétales qui y résident. La construction potentielle d’hôtels sur la zone marécageuse « Studenchishko Blato » mettrait ainsi en danger tout l’écosystème du lac comme l’explique Christian Albrecht: « Cette zone fonctionne comme l’un des filtres les plus importants pour maintenir des éléments nutritifs nocifs en dehors du lac d’Ohrid. En outre, cette zone elle-même est un lieu d’habitat pour des plantes et des animaux spécifiques, y compris des espèces endémiques. La mise en œuvre de ces plans de développement détruirait de façon irréversible cet écosystème essentiel et aurait donc un impact important sur le système hydrologique du lac d’Ohrid. »
Conscients des enjeux, des citoyens ont crée une association pour essayer de faire annuler le projet touristique: Ohrid SOS. Comptant parmi ses membres des universitaires du monde entier, cette association tente de communiquer sur les dangers potentiels de ce projet et sur l’inestimable apport du Lac Ohrid au patrimoine mondial. Une bataille compliquée mais qui a connu quelques échos médiatiques avec des articles dans de grands journaux internationaux, notamment en Grande-Bretagne.
Aujourd’hui, c’est le destin d’une région mais aussi de nombreuses espèces qui est en jeu. Les organisations internationales, dont l’UNESCO relativement inaudible sur le sujet, auront certainement un rôle à jouer dans cet affrontement entre deux dynamiques diamétralement opposées. En attendant, si vous souhaitez apporter votre pierre à l’édifice, vous pouvez toujours signer la pétition sur le site d’Ohrid SOS.
PS: Et si vous voulez avoir un aperçu d’Ohrid au début des années 1990, on vous conseille de regarder le fabuleux Before the rain. Vous verrez que cette région vaut d’être défendue.
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