Un point au centre de la Bulgarie. Buzludzha. Une région austère, montagneuse. Et au milieu, posé dans cet univers quasiment vierge un monument. Un monument qui fête ses 35 ans cette année, dans un état de délabrement qui pourrait lui être bientôt fatal. Découverte d’un édifice historique avec deux guides de choix, Maria et Romain.
Buzludzha, une vision irréelle dans un environnement majestueux
Tous les deux ont été vite subjugués par le monument quand ils l’ont découvert. La Bulgare Maria avoue ainsi que la vision de ce monument lui a semblé « irréelle. Certaines personnes évoquent une soucoupe volante quand ils voient ce monument. En tout cas, c’est un endroit qui force le respect. » Pour le photographe français Romain Veillon, l’aspect colossal de l’ensemble a aussi marqué : « Même si j’avais déjà vu de nombreuses photos du lieu, on est vraiment saisi par la grandeur de l’endroit et l’impression de calme qui y règne.
Je m’y suis rendu seul, ce qui a renforcé ce sentiment. La petite marche qui y mène en suivant un chemin de pierre nous fait découvrir peu à peu Buzludzha qui finit par nous écraser complètement par son envergure. On a une vue sur toute la vallée à partir de là. On se sent assez privilégié de pouvoir explorer ce qui reste comme un pan de l’histoire de Bulgarie et un des vestiges les plus imposants du régime soviétique. »
Buzludzha, la mémoire d’une période volontairement mise aux oubliettes
Faut-il le rappeler, la Bulgarie fit en effet partie du grand bloc de l’Est sous influence communiste après la Seconde Guerre Mondiale. Ce monument de Buzludzha est directement lié à cette période historique comme le rappelle Maria : « Buzludzha a été construit en 1981 pour honorer la création du Parti Social Démocratique bulgare au même endroit en 1891. Buzludzha a été un sanctuaire pour les communistes bulgares. »
Cependant, après la chute du communisme à la fin des années 1980, ce monument comme nombre d’édifices liés au régime des cinquante années précédentes a été laissé à l’abandon. Pour Maria, la raison est claire : « Le communisme est un sujet tabou en Bulgarie. Aujourd’hui, les jeunes gens comme moi ne savent que peu de choses sur la période communiste en Bulgarie. Buzludzha fut important jusqu’en 1989. Après le monument a été laissé à l’abandon et détérioré notamment par les personnes qui étaient contre le régime communiste. Aujourd’hui, ce monument n’est pas préservé et reste théoriquement fermé au public. »
Buzludzha, un monument laissé à l’abandon, pour la joie des curieux
Théoriquement en effet. Mais seulement en théorie car ce monument est devenu avec le temps un endroit prisé, que ce soit par les nostalgiques du communisme ou par les amateurs de monuments désuets. Romain Veillon serait plutôt de cette seconde catégorie. Il voyage ainsi de part le monde pour photographier des monuments ou endroits figés dans le temps.
Le voyage à Buzludzha entra parfaitement dans sa démarche artistique : « Ma fascination pour les endroits abandonnés remonte à l’enfance. Comme beaucoup de gens j’imagine, la découverte de la maison en ruine du bout de la rue est un souvenir que l’on a chacun au fond de nous. Lorsque je découvre un lieu de ce type, mon premier réflexe est d’essayer d’imaginer quelles histoires se cachent derrière les vestiges qui restent, comment le lieu vivait et les raisons qui ont amené l’endroit à être déserté par l’être humain.
L’esthétique que je ressens est très importante et retranscrire cette impression est ce que j’essaie de faire de mon mieux. Ces endroits sont comme des voyages dans le temps où l’on peut se promener et avoir sous les yeux des bribes de vies passées. Buzludzha est un bâtiment assez connu qui bénéficie de nombreuses publications, il n’a pas donc pas été très difficile d’en entendre parler et de le situer. Ensuite, il s’agit juste d’organiser un voyage en Bulgarie et de bien choisir la période à laquelle y aller. Car les hivers peuvent être très rudes là-bas et c’est un endroit isolé en haut d’une montagne qui n’est pas toujours accessible. »
Buzludzha, une oeuvre d’art à explorer
Malgré tout, ceux qui le veulent réellement trouvent toujours un moyen d’arriver à destination. Surtout quand la destination vaut réellement le détour. Maria n’hésite ainsi pas un instant à qualifier Buzludzha « d’œuvre d’art gigantesque. Le monument fait 42 mètres de long sur 14,5 mètres de haut. Vous ne pouvez qu’être inspiré par cette vision. Le monument abandonné de Buzludzha est une œuvre d’art et le restera toujours. »
Loin d’être seulement un bâtiment brut, Buzludzha fut ainsi orné de nombreuses mosaïques et peintures que Romain a longuement pris le temps de découvrir : « Une fois à l’intérieur, l’immensité de la pièce et la beauté des mosaïques sont les premières choses qui m’ont marqué. Se retrouver au centre de cette pièce sous le marteau et la faucille communiste est une expérience inoubliable. Il est important de bien connaitre l’histoire de Buzludzha pour bien apprécier ce moment d’ailleurs.
J’ai aussi passé des heures à regarder et photographier chaque petite parcelle où il y avait de la mosaïque et j’étais stupéfait par la qualité de celles-ci. Enfin, il reste quelques traces de la période où Buzludzha était encore en activité quand on fouille bien le lieu, ce qui nous permet avec les images d’époque de reconstituer comment le lieu était il y a des dizaines d’années. »
Buzludzha, un monument unique au monde mais en péril
Laissé à l’abandon depuis la chute du communisme, Buzludzha se dégrade de plus en plus chaque année, à la fois naturellement mais aussi du fait de certains vandales venant saccager peu à peu l’extérieur mais aussi l’intérieur de ce monument. Pour Maria, le destin funeste de Buzludzha est triste mais compréhensible du fait « de l’histoire liée au communisme mais aussi des coûts très élevés liés à la maintenance d’un tel édifice. »
Pour Romain Veillon, voir se détériorer un monument de cette originalité historique est un réel crève-cœur : « Tout est unique à Buzludzha, que ce soit son histoire, son architecture ou son emplacement. C’est une combinaison de tout ça ; même si sa place dans les livres d’histoires est indéniablement ce qui frappe le plus avant d’y aller, une fois qu’on est à l’intérieur de ce que beaucoup surnomment ‘la navette spatiale’, on réalise un vrai bon dans le passé.
On passe quelques minutes à s’imaginer à l’époque où tous les dirigeants communistes du pays se trouvaient réunis dans cette salle ou qu’ils contemplaient le paysage à partir de ces immenses fenêtres donnant sur la montagne. Il est rare de pouvoir encore trouver des endroits réunissant ces trois qualités de nos jours où tout est trop souvent vandalisé ou détruit.
D’ailleurs, les graffiti commencent à recouvrir les mosaïques de Buzludzha, ce qui me rend vraiment triste. Malgré cela, je sais que je m’y rendrai encore car rarement un endroit m’a procuré autant de plaisir à photographier et où j’ai pu me promener pendant des heures sans m’ennuyer en continuant à m’ébahir devant tellement de petits détails. »
Alors vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire si vous voulez découvrir un monument unique qui permet de découvrir un pan de l’histoire de la Bulgarie et de l’Europe de l’Est. Une œuvre d’art dans un écrin naturel inoubliable.
Toutes les photographies sont de Romain Veillon. Vous pouvez retrouver son travail sur son site Internet mais également acheter son livre Ask the Dust qui regroupe ses clichés de lieux figés dans le temps aux quatre coins du monde.
Maria est une bloggeuse voyage primée, se balandant en Europe à la recherche d’histoires et de lieux d’exceptions.
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