Véritable marqueur identitaire en Bosnie, où elle est la plus ancrée aujourd’hui, la Sevdah est une tradition musicale héritée de l’occupation du territoire par les Ottomans mais qui a magnifiquement traversé le temps et les époques.
Lorsque les Ottomans (Turcs) envahissent les territoires suds slaves au 15ème siècle, ils apportent avec eux leurs traditions et leur mode de vie « à l’orientale ».
Dès lors les premiers chants orientalisants vont faire leur apparition et vont se mêler aux traditions orales déjà présentes dans la population locale. Si elle est traditionnellement ottomane, elle va aussi se nourrir au fil du temps de l’influence austro hongroise lorsque l’Empire prendra le contrôle de la région à la fin du 19ème siècle.
Accompagnée par un petit orchestre traditionnel (généralement saz, violon et accordéon), la Sevdah est une musique intimiste caractérisée par un tempo lent favorisant la mélancolie, une mélancolie que l’on retrouve dans le phrasé du chant.
L’émotion est très présente dans la Sevdah avec des textes qui font beaucoup référence aux peines de la vie. L’histoire des Balkans meurtrie par de nombreuses guerres – et ses drames humains qui en ont découlés – est un thème très présent dans les Sevdalinkas ancestrales mais aussi plus modernes comme celles composées aujourd’hui par la nouvelle générations d’artistes Sevdalinkas comme le sarajevien Damir Imamovic.
Comme toute musique traditionnelle, la transmission est essentielle pour perpétuer ces cultures qui sont avant tout orales.
De nombreux artistes se sont approprié des textes du répertoire pour leur donner un nouveau souffle et séduire de nouveaux publics. Chacun à leur manière ils assurent la transmission des traditions aux nouvelles générations.
Si le groupe Mostar Sevdah Reunion conserve une forme traditionnelle de très grande facture, leur compatriote Amira Medunjanin injecte dans ses musiques des notes de jazz et de musique classique qui subliment sa voix considérée comme la plus belle des Balkans, une voix qui l’a érigée au rang de véritable star.
Quant à Bozo Vreco, originaire de Sarajevo, il séduit des publics plus diversifiés avec des sonorités plus modernes tout en conservant l’essence même de la Sevdah originelle et est l’un des artistes les plus célèbres des Balkans.
Mais certains osent même aller plus loin, comme le guitariste virtuose de Tuzla Emir Hot et de son album « Sevdah métal » sorti en 2008, dans lequel il s’est entouré de grands noms de rock international (Mike Terrana, John West) pour nourrir des morceaux en anglais entre heavy métal et sonorités traditionnelles inspirées de la Sevdah.
La musique traditionnelle est donc loin d’avoir révélé tout son potentiel, et les nouvelles générations d’artistes débordent de créativité pour lui redonner ses lettres de noblesse auprès de nouveaux publics à travers des projets tournés vers l’avenir sans pour autant renier son passé.
Car c’est ça aussi, la transmission et l’appropriation du patrimoine culturel.