Bosn’In : alors que les européens attendent avec impatience de savoir quel avenir sera donné au Brexit par David Cameron, la Bosnie-Herzégovine remettait en ce lundi 15 février, une demande officielle d’adhésion à l’Union Européenne. Un joli pied de nez des instances européennes envers la Grande-Bretagne.
Au lendemain de la Saint Valentin, le petit pays balkanique en forme de cœur nous apportait la bonne nouvelle, et c’est Dragan Čović qui en était le messager. Le membre croate de la Présidence de Bosnie-Herzégovine a lui-même remis la candidature de la Bosnie-Herzégovine pour entrer dans l’UE à Bert Koenders, ministre des affaires étrangères néerlandais et Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne.
Cette candidature, c’est quoi ?
Tout d’abord et il faut le rappeler, cette candidature n’engage en rien l’Union Européenne. En fait, la Bosnie-Herzégovine est candidate, pour être candidate à une entrée dans l’UE. Effectivement, avant de devenir membre de l’UE, il existe un processus long et compliqué ratifié en 1993 grâce aux critères de Copenhague. Il faut tout d’abord faire acte de candidature, puis ensuite cette candidature doit être reconnue par l’UE. Il existe aujourd’hui 5 pays dont les candidatures sont reconnues par l’UE (Turquie, Macédoine, Monténégro, Albanie et Serbie).
Les critères du processus signé en 1993 pour l’adhésion de tout nouveau pays sont :
- La mise en place d’institutions stables garantissant l’état de droit, la démocratie, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection ;
- Une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l’intérieur de l’Union ;
- La capacité d’assumer les obligations, et notamment de souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire ;
- Enfin, le pays candidat doit par ailleurs avoir mis en place toutes les structures (notamment juridiques et administratives) permettant de transposer dans le droit national la législation européenne et de la faire appliquer.
Or la Bosnie est loin d’avoir mis en place les réformes validant ces critères. C’est pourquoi en 2014 l’UE a réorienté son approche dans l’optique de relancer le processus d’adhésion à travers un agenda de réformes touchant dans un premier temps les questions socio-économiques, puis dans un deuxième temps les institutions. Et c’est pour cela que nous n’en sommes aujourd’hui qu’au début de cette candidature.
La Bosnie-Herzégovine soutenue par les instances européennes ?
Alors que le conseil de l’Union Européenne rappelait en avril 2014 « l’absence de volonté politique de la part des hommes politiques de Bosnie-Herzégovine et l’utilisation continue de la rhétorique de division », nous assistons aujourd’hui à un revirement des instances européennes, un peu plus d’un an après.
Effectivement, Federica Mogherini déclarait en décembre dernier : « Nous sommes satisfaits du travail accompli au cours de cette année. Avec le soutien de l’UE, mais d’abord et avant tout une forte volonté politique, les institutions de Bosnie-Herzégovine se sont engagées dans un processus de réforme ambitieux concentré en priorité sur les citoyens du pays et sur l’amélioration de leurs conditions économiques en mettant l’accent sur les possibilités offertes aux jeunes du pays. Beaucoup d’efforts positifs ont été fait à cet égard, cela est extrêmement encourageant ».
Depuis les élections générales qui ont eu lieu le 12 octobre 2014, et malgré quelques péripéties pour constituer ses gouvernements, la Bosnie-Herzégovine a mis en place un agenda des réformes sur une période courant de 2015 à 2018 qui a été adopté par les trois entités bosniennes.
En un an, les dirigeants politiques bosniens ont donc promis et engagé des réformes qu’ils n’avaient pas faites en 20 ans. La sonnette d’alarme ayant sûrement été le « Printemps Bosnien » de février 2014, cette grande révolte sociale ayant touché ce pays qui compte un taux de chômage de plus de 40%.
L’avenir de la Bosnie-Herzégovine
Cette candidature prouve que le rapprochement avec l’Union Européenne est la solution pour les pays des Balkans, ce qui devrait aussi pousser la Serbie à continuer ce rapprochement, et non regarder vers le nord-est. Il s’agit donc ici d’une bonne nouvelle car le dossier est suivi au plus près par les autorités européennes.
Le seul bémol que nous pouvons émettre est de savoir si les Bosniens vont saisir cette opportunité. L’UE a été construite autour de l’objectif du marché unique, et avec comme point central l’économie. Alors quels avantages vont y trouver les Bosniens lorsqu’ils voient que leur voisin croate peine à s’en sortir.
De plus, rajouter l’échelon européen dans la complexité du pays partagé depuis les accords de Dayton de 1995 entre la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la République Serbe de Bosnie et le District de Brčko n’est peut-être pas la bonne solution. Comment expliquer aux Bosniens ce que pourra leur apporter l’UE, alors que même les européens les plus convaincus ont du mal à le comprendre.
Peut-être faudrait-il avant cela revenir sur les accords de Dayton, et simplifier l’UE à travers le fédéralisme. Quoi qu’il en soit, la Bosnie ne rentrera pas dès demain dans l’Union Européenne, ce processus est très long, et même nous ne pourrions jamais assister à ce miracle que les plus sceptiques d’entre nous n’imaginions pas il y a 20 ans.
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